Plan de restructuration : le refus des minoritaires peut être abusif

Lors des assemblées générales d’une société, le vote des associés est libre dans la limite de l’abus de droit. En effet, le vote d’un associé, même minoritaire, qui conduit à bloquer une opération dans le seul but de favoriser son intérêt au détriment de celui de la société commet un abus de minorité.

C’est donc logiquement que la Cour de cassation a reconnu comme abusif le refus des associés minoritaires, de voter des mesures permettant l’exécution d’un plan de restructuration indispensables au redressement de la société, dans leur intérêt exclusif.

Les faits ayant conduit au pourvoi ont débuté par le placement en redressement judiciaire d’une société ainsi que l’arrêt, par le tribunal, d’un plan de redressement en vertu duquel la société a tenu une assemblée générale comportant plusieurs résolutions.

Or, les associés minoritaires ont refusé toutes les résolutions portant sur la mise en œuvre de mesures de restructuration financière visant à réduire le capital social à zéro avant de l’augmenter, en supprimant le droit préférentiel de souscription, par l’émission d’actions ordinaires au profit de l’associé majoritaire.

La société a assigné les associés minoritaires en référé afin de voir notamment juger que l’opposition de ces derniers aux résolutions permettant la bonne exécution du plan de redressement constituait un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser car il exposait la société à un dommage imminent. La demanderesse sollicitait également la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de voter à la place des actionnaires minoritaires, lors des prochaines assemblées, en faveur de l’intérêt social.

Les prétentions de la société sont accueillies par la cour d’appel qui a relevé que si la restructuration financière n’était pas expressément reprise dans le dispositif de jugement ayant arrêté le plan, ce jugement faisait état de la restructuration du capital telle que proposée dans le projet de plan

En outre, elle retenait que le refus des actionnaires minoritaires de voter pour la mise en œuvre des mesures de restructuration s’inscrivait dans un contexte conflictuel opposant le dirigeant de la société à l’un des associés minoritaires, lequel soutenait une offre de cession des actifs sans pour autant présenter un plan de redressement alternatif à celui adopté par le tribunal.

Elle en a conclu que l’opposition des actionnaires minoritaires tendait à une récupération de leurs actifs, dans leur intérêt exclusif, et non au redressement de la société, ce qui constituait un trouble illicite exposant la société à un dommage imminent.

Saisie du pourvoi formé par les actionnaires minoritaires, la Cour de cassation confirme le raisonnement de la Cour d’appel en ce qu’elle a déduit des circonstances précitées que les actionnaires minoritaires ont commis un abus dans l’usage de leur droit de vote, en faisant obstacle à la mise en œuvre de mesures de restructurations financières jugées indispensables au redressement de la société, et par suite, à sa survie, en l’exposant à un risque de liquidation judiciaire contraire à l’intérêt social.

Référence de l’arrêt : Cass. com. du 22 novembre 2023, n° 22-16.362.


Retrait d'une société à capital variable et droit au remboursement des droits sociaux

Le fonctionnement des sociétés civiles suppose que chaque associé dispose en principe du droit personnel de se retirer de la société, et dans le cadre d’une société à capital variable, l’associé qui se retire bénéficie du droit au remboursement de ses parts, par accord amiable, sinon par désignation d’un expert par les parties ou par jugement.

La détermination de la valeur des parts d’associés exclus d’une société par un expert désigné, est justement au cœur d’un débat qui a cristallisé l’attention de la Cour de cassation le 8 novembre dernier, l’emmenant à articuler dispositions générales en matière de remboursement de la valeur des parts sociales, et dispositions spéciales, propres aux sociétés à capital variable.

Dans l’affaire présentée devant la chambre commerciale, plusieurs associés d’une société civile avaient été exclus par décision d’assemblées générales, et avaient obtenu la désignation en justice d’un expert aux fins de fixation de la valeur de leurs droits sociaux, avant d’assigner la société civile en remboursement de leurs parts sur la base de la valeur déterminée par le rapport d’expertise.

Tant en appel que devant la Cour de cassation, la société civile contestait le rapport d’expertise, notamment compte tenu du fait que l’article L 231-1 du Code de commerce, propre aux sociétés à capital variable, constitue une disposition spéciale qui déroge au droit commun des sociétés.

Pour rappel, l’article dispose que :

Il peut être stipulé dans les statuts des sociétés qui n'ont pas la forme de société anonyme ainsi que dans toute société coopérative que le capital social est susceptible d'augmentation par des versements successifs des associés ou l'admission d'associés nouveaux et de diminution par la reprise totale ou partielle des apports effectués.

Les sociétés dont les statuts contiennent la stipulation ci-dessus sont soumises, indépendamment des règles générales qui leur sont propres suivant leur forme spéciale, aux dispositions du présent chapitre.

En application de ce texte, et toujours selon la société civile, il doit par conséquent être dérogé à l’article 1869 du Code civil, de sorte que l’associé sortant a droit, non à la valeur de ses droits sociaux, mais à la reprise de ses apports, ainsi qu’à l’article 1843-4 du Code civil empêchant le tiers évaluateur de disposer de la faculté de déterminer librement les critères d’évaluation, mais devant se limiter à vérifier que la somme versée à l’associé sortant correspond au montant de son apport.

Cette vision n’est pourtant pas partagée par la Cour de cassation qui balaie les arguments et se prononce en faveur de l’application des règles générales.

Pour cela, la Haute juridiction rappelle qu’ « Il résulte du second alinéa de l’article L. 231-1 du code de commerce que les sociétés dont les statuts contiennent la clause de variabilité du capital mentionnée au premier alinéa, demeurent soumises aux règles générales qui leur sont propres suivant leur forme spéciale, règles auxquelles il n’est dérogé que dans les limites des dispositions figurant aux articles L. 231-1 à L. 231-8 de ce code », avant de juger que « l’associé d’une société civile à capital variable qui se retire a, en application de l’article 1869 du code civil, droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux et peut, à défaut d’accord amiable, la faire fixer par un expert désigné en application de l’article 1843-4 de ce code, cette valeur comprenant, sauf cas de perte, l’apport effectué mais ne s’y réduisant pas obligatoirement ».

Solution inédite, où la Cour de cassation opte pour une lecture non limitative de l’article L 231-1 du Code du commerce.

Référence de l’arrêt : Cass. com. du 8 novembre 2023 n°22-11.766


La cession de contrôle d'une société commerciale emporte solidarité des cédants

La cession portant sur le contrôle d’une société implique généralement que le cédant garantisse l’actif et le passif de la société cédée au cessionnaire. Cette garantie permet de protéger le cessionnaire d’une éventuelle augmentation de passif ou d’une diminution de l’actif apparaissant postérieurement à la cession, mais dont l’origine serait antérieure à celle-ci.

En matière commerciale, l’exécution de cette garantie est présumée solidaire entre les cédants. Or, cette présomption de solidarité peut avoir des effets dévastateurs, particulièrement pour un associé minoritaire, ainsi que l’a récemment réaffirmé la Cour de cassation.

Les associés d’une société ont cédé l’intégralité de leurs parts moyennant un prix de 380 000 €, pour lequel le cessionnaire a payé un acompte de 300 000 €.

Une clause du contrat de cession prévoyait que le prix défini sur la base du bilan au 29 février 2016 pouvait faire l’objet d’une variation à la baisse en fonction de la situation comptable intermédiaire de la société arrêtée au 31 décembre 2016.

L’établissement de la situation comptable ayant fait apparaître des capitaux propres négatifs à concurrence de 963 999 €, le cessionnaire a soumis aux cédants un projet de prix définitif à hauteur de 1 €, en sollicitant le remboursement de la somme de 299 999 €.

Le tribunal de première instance et la Cour d’appel font droit à ces prétentions en condamnant solidairement les associés à payer la somme symbolique au cessionnaire, assortie de l’intérêt au taux légal à compter du 9 septembre 2017 jusqu’au parfait paiement.

Des associés minoritaires, ayant cédé chacun une seule action, se sont pourvus en cassation pour contester la solidarité à la dette des associés concernant la restitution du prix des actions.

Ils invoquaient l’impossibilité de présumer la solidarité en l’absence d’une disposition légale ou d’une stipulation contractuelle au sein de l’acte de cession de sorte que la garantie conventionnelle consentie à l’occasion d’une cession de contrôle ne devait pas emporter solidarité passive entre les cédants.

De plus, ils soutenaient que l’absence d’effet sur le contrôle de la société de la cession des parts minoritaires était de nature à écarter toute présomption de solidarité passive des associés minoritaires avec les autres cédants.

Malgré les arguments des demandeurs, la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme le raisonnement des juges du fond. À cet effet, elle rappelle, en premier lieu, que les conventions emportant cession de contrôle d’une société commerciale constituent un acte de commerce, même si elles ne sont pas conclues entre commerçants.

De ce constat, il résulte que l’acte de commerce emporte solidarité des vendeurs dans l’exécution de leurs obligations, notamment l’obligation de restitution résultant de la clause de prix, faute d’insertion d’une clause écartant expressément la solidarité.

En dernier lieu, la Haute juridiction précise que le transfert de contrôle ne s’apprécie qu’au regard du cessionnaire. Aussi, le fait que les associés minoritaires n’aient pas cédé des parts emportant contrôle de la société ne remet pas en cause la solidarité passive entre les associés.

Référence de l’arrêt : Cass. com. du 30 août 2023, n° 22-10.466.


Réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières

Prise sur le fondement de la loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, dite « loi DDADUE », l’ordonnance du 24 mai 2023 portant réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales opère une transposition de la directive 2019/2121 du 27 novembre 2019. Cette réforme offre aux sociétés françaises et européennes un cadre commun et modernisé afin de réaliser leurs opérations de fusions, scissions et apports partiels d’actifs.

L’introduction de nouvelles opérations transfrontalières

L’ordonnance introduit, aux côtés de la procédure de fusion transfrontalière, de nouveaux schémas de restructuration :

  • La scission transfrontalière par laquelle une société peut être scindée en plusieurs sociétés immatriculées dans des États membres différents ;
  • L’apport partiel d’actif (APA) transfrontalier selon lequel une société française peut apporter une partie de son actif à une ou plusieurs sociétés relevant d’un autre État membre de l’Union européenne ;
  • La procédure de transformation transfrontalière permettant à une société de transférer son siège d’un État membre à un autre, tout en conservant sa personnalité juridique.

La procédure commune aux opérations transfrontalières

Au sein de l’espace européen, les fusions, scissions et APA transfrontaliers font désormais l’objet d’une procédure commune débutant par la rédaction d’un projet d’opération, un rapport des dirigeants et une vérification par une expertise indépendante.

La réforme garantit une meilleure protection des parties prenantes des restructurations que sont les salariés, les associés minoritaires et les créanciers en les informant par la publication d’un avis annexé au registre du commerce et des sociétés (RCS) par chaque société participante à l’opération.

Les salariés doivent être représentés au sein des organes de surveillance ou d’administration de l’entreprise et être consultés sur les projets d’opération. Les associés s’opposant à l’opération bénéficient d’un droit de retrait en vertu duquel ils pourront se faire racheter leurs parts ou actions. En outre, les créanciers, dont la créance est antérieure au projet d’opération transfrontalière, disposent désormais d’un délai de trois mois pour solliciter des garanties.

Enfin, les greffiers des tribunaux de commerce se voient confier une mission de contrôle en vertu de laquelle ils doivent s’assurer que la restructuration n’est pas réalisée à des fins abusives, frauduleuses ou criminelles. Pour ce faire, ils pourront s’appuyer sur les autorités fiscales ou sociales.

L’amélioration des procédures de restructurations en droit interne

À l’occasion de la transposition des dispositions relatives aux opérations transfrontalières, l’ordonnance a également mis en cohérence les dispositions nationales applicables aux opérations réalisées entre sociétés françaises. Ainsi, les projets de fusions, de scissions ou d’APA font l’objet d’une publicité accrue puisqu’ils sont, tout comme les projets d’opérations transfrontalières, annexés au RCS afin d’être mis à disposition du public.

Initialement, la société bénéficiaire de biens apportés par un apport partiel d’actif ou une scission était débitrice solidaire des créanciers de la société apporteuse ou scindée. Depuis le 1er juillet 2023, sa responsabilité est limitée à la valeur des actifs nets attribués à la bénéficiaire.

La dispense d’échange de titres en cas de fusion de filiales entre elles est étendue aux fusions de sociétés détenues dans les mêmes proportions par les mêmes associés. Enfin, la réforme introduit le mécanisme de scission partielle, permettant d’attribuer les actions perçues en rémunération de l’apport directement aux associés de la société apporteuse.


Cession de titres intra-groupe : appréciation de l’écart significatif de prix

La question des cessions à prix minoré est régulièrement débattue en jurisprudence. Une telle cession peut être requalifiée par l’administration fiscale en libéralité constituant un acte anormal de gestion. Cette requalification emporte la réintégration de l’insuffisance constaté au sein du résultat de la société cédante, outre l’application d’intérêts de retard et d’une majoration de 40 % pour manquements délibérés ou de 80 % pour manœuvres frauduleuses.

À cet effet, l’administration doit établir l’existence d’un écart significatif entre le prix de cession et la valeur vénale des biens ou droits vendus ainsi qu’une intention libérale. Or, la cession d’un élément d’actif à un prix inférieur à sa valeur réelle laisse présumer d’une intention libérale. En outre, l’écart d’au moins 20 % était considéré comme significatif, en l’absence de justification de l’entreprise sur son intérêt, ou sa nécessité, de conclure une telle cession ou l’obtention d’une contrepartie. Cependant, le Conseil d’État a profité d’un récent contentieux pour rappeler que l’écart significatif s’apprécie au cas par cas.

Le litige prend sa genèse dans la cession des titres d’une société non cotée à une autre filiale du même groupe, avant que la société cédante fasse l’objet d’un contrôle.

L’administration a considéré que la cession a été réalisée à un prix minoré et estimé que l’écart existant entre le prix de cession déterminé par les parties et le prix rectifié par le vérificateur constituait une libéralité devant être réintégrée dans les résultats de la société vérifiée.

Cette estimation résultait d’une méthode d’évaluation dite patrimoniale ou mathématique, sur la base de laquelle l’administration relevait l’existence d’un écart de 14,1 % entre le prix de cession et la valeur réelle reconstituée.

S’ensuivit un long contentieux au cours duquel le Conseil d’État a annulé la décision des juges du fond, lesquels validaient la méthode d’évaluation mathématique, écartaient les facteurs de décote dont se prévalait la requérante, tout en considérant que l’écart de 14,1 % était insuffisant compte tenu de l’aléa inhérent à l’évaluation de titres non cotés en bourse.

Sur renvoi, la Cour administrative d’appel a confirmé, à nouveau, l’opportunité de la méthode de reconstitution en jugeant que l’écart obtenu ne présentait pas un caractère significatif en l’absence de circonstances particulières.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État censure à nouveau l’analyse des juges du fond avant de décider de juger l’affaire au fond.

Se fondant sur les faits d’espèce, le Conseil d’État valide l’utilisation de la méthode patrimoniale et rejette toutes les décotes sollicitées par la requérante. Il considère que l’écart obtenu doit être regardé comme significatif en raison de la situation particulière de la société dont l’activité avait cessé et qui détenait un actif principalement composé de trésorerie.

La société ne justifiant pas la minoration du prix de cession, le Conseil d’État considère que l’administration apporte la preuve du caractère anormal de celui-ci et l’existence d’une libéralité.

Il ressort de cette décision qu’un seuil ne saurait être retenu pour dégager un principe d’écart de prix significatif et caractériser de manière automatique un acte anormal de gestion, celui-ci devant s’apprécier eu égard aux circonstances de l’espèce.

Référence de l’arrêt : CE du 7 avril 2023, n° 466247.


La garantie d'actif et de passif pour sécuriser une transmission d’entreprise

La transmission d’une entreprise est une opération qui peut s’avérer risquée, puisqu’elle emporte non seulement le transfert des actifs de l’entreprise, mais également de son passif, parfois occulte. Postérieurement à la reprise, un actif qui diminue ou un passif sous-évalué peuvent nuire à la santé économique et financière de la société.

Afin de se prémunir contre ces aléas, l’acquéreur peut bénéficier d’une garantie d’actif et de passif. Cette clause quantifie, anticipe et compense les risques en déterminant les conditions d’indemnisation du repreneur en cas de variation d’actifs ou de passifs en sa défaveur postérieurement à la cession, dont l’origine est antérieure à la cession.

La garantie est composée de :

  • La garantie d’actif qui protège l’acquéreur contre d’éventuelles baisses de valeur des éléments de l’actif, dont l’origine est antérieure à la reprise de la société. Ainsi, il peut s’agir d’une diminution du volume des stocks, ou d’une baisse des créances.
  • La garantie de passif qui préserve le repreneur de potentielles augmentations du passif, dont l’origine est antérieure à la cession. Cette situation peut par exemple résulter d’un litige commercial ou social sous-provisionné.

En pratique, les clauses d’actif et de passif sont rédigées simultanément. Lorsqu’une diminution de l’actif, ou une augmentation du passif, causée par la gestion du cédant, la garantie d’actif et de passif lui impose de verser une indemnisation à l’acquéreur.

La rédaction du champ d’application de la clause est essentielle, car c’est ce qui déterminera les évènements pour lesquels le cédant sera, ou non, responsable des variations de l’actif et du passif de l’entreprise cédée. De plus, la clause prévoit les modalités de déclenchement de la garantie, tant concernant la preuve de la variation, que la notification de l’évènement au cédant.

La garantie d’actif et de passif ne peut être perpétuelle. Elle comporte une date de départ et une durée de validité déterminée entre les parties, en fonction des risques encourus par le repreneur et de leurs délais de prescription.

Afin de déterminer le montant de la garantie, les conseillers du cessionnaire doivent réaliser un audit général de la structure portant sur les aspects juridiques, fiscaux, commerciaux, sociaux et comptables. Cette opération répertorie les éventuels risques de la cession d’entreprise et détermine leur potentiel impact financier. Cela permet d’établir la méthode de calcul de l’indemnité à versé en fonction de la gravité de la variation. C’est sur la base de l’audit et du montant évalué par les conseillers que se fondent les négociations entre le cédant et l’éventuel repreneur.

Cette clause comprend également un montant plafond, un montant plancher ainsi qu’un seuil de déclenchement en deçà duquel la garantie ne peut être sollicitée. Par ailleurs, il est possible de prévoir une franchise à la charge du cessionnaire.

La clause d’actif et de passif peut être garantie par la mise sous séquestre d’une somme d’argent jusqu’à l’expiration de la garantie ou par une caution bancaire.


Lexton classé à « Forte Notoriété » par Décideurs Magazine pour les opérations de Capital investissement LBO lower Mid & Small Cap

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Violation d'un droit de préférence sur des titres et mise en place de mesures conservatoires

Lorsqu’une partie s’estime victime d’une violation de son droit de préférence, elle peut solliciter, selon les cas, la nullité de la vente, la substitution au contrat, l’exécution forcée ou des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Cependant, dans l’attente du règlement définitif du litige, il est utile de solliciter, dans un premier temps, des mesures conservatoires afin d’assurer l’efficacité des éventuelles mesures d’exécution qui pourraient être prises. C’est dans ce contexte que l’arrêt du 5 avril 2023 a été rendu concernant l’office du juge des référés saisi d’une demande de mesures conservatoires, afin d’empêcher la violation d’un droit de préférence sur des titres.

Une SELAS s’était affiliée, par contrat daté du 1er septembre 2016, à un réseau animé par une SAS. Le contrat stipulait un droit de préférence, au profit de l’affiliant, en cas de cession des titres de l’affilié. Aussi, une cession de parts de la SELAS, effectuée en violation du droit de préférence, a été annulée par jugement du 19 décembre 2019.

La SELAS et ses associés ont informé la SAS d’un nouveau projet de cession, le 15 mai 2020, avant de se rétracter le 4 décembre 2020, en invoquant la caducité du projet de cession et leur volonté de se prévaloir de leur droit de repentir contractuel.

Le 8 décembre 2020, la SAS a fait signifier à la SELAS sa décision d’exercer son droit de préférence. Invoquant une fraude à l’exercice de ce droit, la SAS a sollicité en référé la mise sous séquestre des titres composant le capital de la défenderesse, du registre des mouvements de titres et des comptes d’actionnaires, ainsi que la désignation d’un administrateur judiciaire afin d’exercer à titre exclusif les droits de vote attachés à ces actions.

Cependant, la Cour d’appel de Besançon a refusé d’ordonner les mesures conservatoires précitées en considérant qu’aucun trouble manifestement illicite n’était établi, afin de justifier lesdites mesures. La demanderesse s’est alors pourvue en cassation, en arguant que les juges du fond ne pouvaient refuser d’accorder des mesures conservatoires, dans le but de conserver un droit de préférence utile, sans caractériser en quoi aucun trouble manifestement illicite n’était établi.

Le 5 avril 2023, la Cour de cassation accueille les prétentions de la demanderesse. En premier lieu, elle rappelle qu’en vertu de l’article 835 du Code de procédure civile le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires, ou de remise en état, qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En outre, la Haute juridiction relève que les juges du fond n’ont pas recherché si la SELAS et ses associés n’avaient pas fautivement exercé leur droit de repentir afin de faire échec au droit de préférence de la SAS, et si cette faute ne pouvait pas constituer un trouble manifestement illicite.

En définitive, lorsque le juge des référés est saisi d’une demande de mesures conservatoires tendant à prévenir la violation d’un droit de préférence sur des titres, il est tenu de déterminer s’il y a effectivement eu une tentative de faire échec à l’exercice dudit droit, et dans l’affirmative, s’il en résulte un trouble manifestement illicite.

Référence de l’arrêt : Cass. com du 5 avril 2023, n°21-25.533.


Quels avantages offrent les BSA ?

Au cours de son exploitation, toute société va avoir besoin de financement afin de développer son activité et de la pérenniser dans le temps. Le financement permettra de recruter du personnel, d’acquérir du matériel ou de trouver de nouveaux partenaires. Afin d’obtenir le financement nécessaire, les sociétés disposent de plusieurs techniques dont l’augmentation du capital. Cette dernière peut se réaliser de plusieurs manières, notamment par l’émission de bons de souscription d’actions (BSA).

Le BSA est une valeur mobilière qui offre l’opportunité à son propriétaire d’acheter, une ou plusieurs actions de la société émettrice, pendant une période déterminée et à un prix fixé à l’avance. Ce bon peut être émis par une société par actions (SA, SAS, SCA), cotées ou non, et attribué à une personne physique ou morale, liée ou non à la société. Afin de déterminer s’il s’agit d’une méthode qui vous profiterait, le cabinet Lexton Avocats vous en liste les bénéfices.

Quel intérêt pour l’entreprise d’émettre des BSA ?

L’avantage premier pour l’entreprise réside dans l’acquisition immédiate de liquidités sans avoir à offrir de contrepartie. Le BSA représentant un coût (entre 15 à 20% du prix de l’action), l’émission en elle-même permet à la société d’obtenir une partie du financement, sans avoir à réaliser d’augmentation du capital, tant que les bons ne sont pas convertis.

Cette opération en deux temps permet à la société de bénéficier d’une augmentation de capital en anticipant ses conséquences. Les actions étant souscrites ultérieurement par les bénéficiaires, l’entreprise a le temps de s’adapter aux éventuelles conséquences telles que la dilution du capital.

La liberté du cadre des BSA permet aussi à la société d’attirer un plus grand nombre d’investisseurs. Les bénéficiaires pouvant être des acteurs internes à la société (salariés, dirigeants), des acteurs externes (partenaires, fournisseurs), ou des tiers sans aucun lien avec elle.

De plus, ce mécanisme permet d’émettre des actions à un prix plus élevé que celui pratiqué lors d’une augmentation de capital classique. En conséquence, la société peut obtenir la somme recherchée avec un nombre réduit d’actions, ce qui renforce progressivement sa structure financière, au fur et à mesure que les bons sont exercés.

Cet instrument implique financièrement les acteurs de l’entreprise en alignant leurs intérêts avec ceux de l’entreprise, ce qui constitue un facteur de motivation essentiel des salariés, mais aussi des partenaires.

Quel intérêt pour le bénéficiaire d’acquérir des BSA ?

L’avantage principal, pour le bénéficiaire, réside dans la prédétermination du prix d’achat de l’action. De fait, le risque au moment de l’investissement en action est considérablement limité. Le bénéficiaire profite d’une option sur une période donnée, c’est un mécanisme flexible, lui permettant de décider, selon sa situation et la valorisation de l’entreprise, de convertir les bons.

Pour les associés existants, ce mécanisme constitue l’opportunité d’éviter la dilution du capital, en étalant les dépenses pour de nouvelles actions.

En outre, le prix de souscription étant fixé au jour de l’émission des BSA, la valorisation de l’entreprise offre la possibilité de profiter d’un effet levier. De fait, si le cours de l’action augmente, ce dispositif permet au bénéficiaire de souscrire à un prix inférieur, de spéculer sur le prix du bon en le cédant, ou de revendre l’action achetée en réalisant une plus-value.

Enfin, de la même manière que pour la société, ce mécanisme implique directement le bénéficiaire dans la valorisation de l’entreprise, c’est une gratification supplémentaire pour les investisseurs liés à l’entreprise, notamment pour les salariés.


La validité du pacte d’associés conclu pour 99 ans

La durée des pactes d’associés est une question sensible, longtemps débattue, à laquelle la Cour de cassation vient finalement d’apporter une réponse. Aux termes d’un arrêt rendu le 25 janvier 2023, la Haute juridiction affirme que : « La prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’actionnaires pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement. »

À la genèse du litige, les actionnaires d’une société par actions simplifiée (SAS) ont conclu, en 2010, un pacte d’actionnaires pour la durée de la société, soit le temps restant à courir jusqu’à l’expiration des 99 années, à compter de l’immatriculation de la société au RCS.

En 2017, deux actionnaires ont notifié la résolution unilatérale du pacte. Un troisième actionnaire les a alors assignés, en sollicitant qu’il soit jugé que la résolution du pacte avait été mise en œuvre de manière abusive, et qu’elle était tant irrégulière qu’inefficace.

Par décision du 17 octobre 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a déclaré que la résiliation du pacte d’actionnaires était régulière, aux motifs que la durée déterminée du pacte, identique à celle de la société, était d’une durée excessive, assimilable à une durée indéterminée.

En effet, les juges du fonds s’étaient fondés sur les dispositions du pacte pour déterminer que la première période, à l’issue de laquelle les associés pourraient le dénoncer, conduisait les signataires à rester associés jusqu’à un âge particulièrement avancé, entre 79 et 96 ans. La juridiction du second degré considère que cette durée excessive leur confisquait toute réelle possibilité de fin de pacte, de sorte que la prohibition des engagements perpétuels autorisait ces derniers à résilier unilatéralement le pacte.

Au visa des articles 1134, alinéa 1er, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 1838 du Code civil, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Elle considère qu’un pacte d’associés, conclu pour la durée de vie de la société, est un contrat à durée déterminée. Ainsi, la prohibition des engagements perpétuels ne peut donc pas permettre aux associés d’y mettre fin de manière unilatérale, avant la période contractuellement prévue.

Cette décision affirme les conséquences distinctes pour les parties, selon que le pacte soit conclu à durée déterminée, ou indéterminée. Aussi, un contrat conclu pour une durée déterminée échappe à la prohibition des engagements perpétuels, même si sa durée est identique à celle de la société, et ne peut donc pas être unilatéralement résilié par les parties. Au contraire, un contrat conclu pour une durée indéterminée peut être résilié, à tout moment, par la volonté unilatérale d’un associé.

Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère du 25 janvier 2023, n°19-25.478.