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L’intelligence artificielle dans les contrats : quelles implications juridiques pour les entreprises ?
L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle (IA) transforme progressivement les pratiques contractuelles au sein des entreprises, au travers notamment d’outils d’automatisation, d’optimisation des clauses ou encore de contrats intelligents, suscitant autant d’opportunités que de questionnements juridiques.
L’IA comme outil contractuel : vers des contrats intelligents
À ce jour, l’IA intervient principalement dans deux dimensions du processus contractuel : la rédaction automatisée des contrats et leur exécution via des contrats intelligents (cf « smart contracts »).
Dans le cadre de la rédaction assistée, l’IA va permettre de générer des clauses contractuelles standardisées ou adaptées à des situations spécifiques, en s’appuyant sur des bases de données préexistantes.
Par cette automatisation, l’entreprise augmente la rapidité du processus, mais des interrogations sur la fiabilité juridique et la responsabilité en cas d’erreur peuvent être soulevées.
Les smart contracts, basés sur la technologie blockchain, fonctionnent via des algorithmes autoexécutants, puisque dès lors qu’une condition prévue au contrat est remplie, l’IA procède automatiquement à l’exécution des obligations.
Ici ce sont plutôt des questions relatives à l’interprétation des termes, notamment en cas d’imprévu ou de force majeure, qui peuvent être en jeu.
Quid de la responsabilité juridique
Une utilisation accrue de l’IA dans la conclusion et l’exécution des contrats entraîne un défi majeur, celui de l’imputabilité des erreurs ou dysfonctionnements.
Aujourd’hui, concernant la responsabilité du développeur de l’IA, la question de savoir si l’entreprise peut se retourner contre le fournisseur de l’IA en cas d’erreur dans une clause rédigée automatiquement reste en suspens, car complexe, en ce qu’elle impose d’analyser les termes du contrat de service liant l’entreprise à son prestataire technologique.
Quant à la responsabilité de l’entreprise utilisatrice, en l’absence d’encadrement juridique précis, l’entreprise qui utilise l’IA pour automatiser des étapes contractuelles pourrait être tenue responsable si elle ne vérifie pas les résultats proposés par l’outil.
Ainsi, pour limiter les risques, il lui est donc essentiel de prévoir des clauses de responsabilité précises dans les contrats d’utilisation des systèmes d’IA.
Les limites juridiques des contrats automatisés : un cadre à préciser
Le déploiement des technologies d’IA dans les contrats se heurte à deux principales contraintes légales et éthiques.
D’une part, l’interprétation des clauses, puisque le droit impose souvent une interprétation humaine du contrat, fondée sur la volonté des parties, et l’IA, en automatisant des clauses, ne permet pas toujours de restituer cette intention, ce qui peut poser problème en cas de litige.
D’autre part, le respect des règles en matière de consentement, lequel, en vertu du droit positif, doit être libre et éclairé, ce qui suppose que les parties comprennent pleinement les conséquences de leurs engagements. Or, l’utilisation d’une technologie opaque peut nuire à cette transparence.
Sans oublier que dans le cadre de l’IA, le Règlement Général de Protection des Données (RGPD) impose une vigilance particulière lorsque les données personnelles interviennent dans la rédaction ou l’exécution du contrat. La responsabilité des entreprises est engagée en cas de manquement.
Perspectives pour les entreprises : anticiper les risques
Pour tirer pleinement profit de l’IA dans les contrats, les entreprises doivent adopter une démarche proactive qui passe principalement par l’encadrement des usages internes, avec la mise en place d’une politique claire d’utilisation des outils d’IA pour réduire les risques juridiques.
La formation des parties prenantes est également au cœur de cet enjeux, puisque la connaissance des limites et des potentialités de l’IA sont des compétences clés.
Enfin, il est indispensable pour l’entreprise qui souhaite avoir recours à l’IA de prévoir des audits de conformité, qui permettront de contrôler régulièrement les processus contractuels assistés par IA, afin de s’assurer du respect des normes légales.
L'usage d'une clause de cession forcée en droit des sociétés
Dans un environnement juridique complexe et concurrentiel, la clause de cession forcée occupe une place cruciale au sein des statuts de nombreuses sociétés, en ce qu’elle permet d’encadrer les droits des actionnaires ou associés, et d’assurer la stabilité lors de conflits internes, de divergences stratégiques ou de changements inattendus dans la structure de l’entreprise. En assurant une sortie encadrée, ce mécanisme juridique garantit une certaine continuité de la gouvernance tout en protégeant les intérêts de la société.
Cadre juridique de la clause de cession forcée
La clause de cession forcée, aussi appelée clause d’exclusion, est une stipulation contractuelle, intégrée dans les statuts d’une société, sinon dans un pacte d’actionnaires ou d’associés, par laquelle la société ou certains détenteurs de titres, peuvent imposer la cession des titres d’un d’entre eux, lorsque certaines conditions définies sont réunies.
Concernant les personnes qui peuvent être visées par une clause d’exclusion, il peut s’agir de n’importe quel titulaire de parts ou d’actions se trouvant dans l’une des situations prévues par la clause, étant précisé que certaines personnes, comme les fondateurs, peuvent être protégées de cette exclusion par une mention explicite dans la clause, sous réserve que cette protection demeure non discriminatoire envers les autres porteurs de titres.
Modalités de rédaction et d’application de la clause de cession forcée
La clause de cession forcée nécessite une rédaction précise et la définition de conditions préalables pour éviter tout litige. À ce titre, il est essentiel de distinguer deux niveaux d’exclusion :
L’exclusion peut intervenir automatiquement, par exemple en cas de dissolution, redressement ou liquidation judiciaire d’un associé ou d’un actionnaire, ou être prononcée pour certains motifs déterminés, notamment en cas de :
- Manquement grave aux obligations découlant des statuts ;
- Comportement de nature à porter préjudice à la société et/ou à ses actionnaires ;
- Exercice direct ou indirect d’une activité concurrente de celle exercée par la société ;
- Révocation d’un actionnaire de ses fonctions de mandataire social ;
- Condamnation pénale pour crime ou délit prononcée à l’encontre de l’actionnaire.
Par ailleurs, le processus de valorisation des titres doit être précisé pour éviter toute contestation. Il est conseillé de faire appel à un expert tiers, qui pourra s’appuyer sur la valeur de marché, la valorisation comptable ou une méthode convenue par les parties.
Usages de la clause de cession forcée
Les objectifs de la clause de cession forcée sont variés. Elle est principalement mise en place lors de la création d’une société, lors de l’arrivée d’un nouvel investisseur ou dans le cadre d’un pacte d’actionnaires, afin d’encadrer les relations tout en évitant une paralysie décisionnelle.
Pour illustrer son importance, on peut citer le cas d’une SAS dont un actionnaire serait impliqué dans des affaires nuisant à la réputation de la société. La clause de cession forcée, prévue dans les statuts, permettrait d’éviter des contestations et de protéger l’intérêt de la société.
Derniers rappels jurisprudentiels en matière de devoir d'information sur la situation financière de la société dont les parts sont cédées
Pèse sur le cédant de parts sociales une obligation d’information envers le cessionnaire, concernant la situation financière de la société cédée. Bien que le cédant ne soit pas directement responsable des dettes de la société après la cession, il doit fournir une information loyale et complète sur la situation financière de la société, notamment sur l’existence de passifs importants. Cette obligation découle du devoir de transparence et de bonne foi, et son non-respect peut engager la responsabilité du cédant pour réticence dolosive, surtout si cette rétention d’information induit le cessionnaire en erreur sur la valeur des parts cédées.
Récemment, la Cour de cassation a réaffirmé ce principe, sans considération de l’expérience du cessionnaire et de sa capacité à se renseigner par ses propres moyens.
Au cas d’espèce, un associé avait cédé à un tiers la totalité des parts composant le capital social d’une société, avant que l’acquéreur ne l’assigne en annulation de la cession, pour réticence dolosive du fait que ce dernier ne l’ait pas informé du passif de la société antérieur à la cession, constitué de dettes, de contrats en cours et d’un prêt bancaire.
Le cessionnaire est débouté de sa demande devant les juges du fond, qui considèrent qu’étant donné que ce dernier prenait le contrôle de la société et compte tenu de son expérience dans la gestion des sociétés pour avoir été antérieurement gérant d’une société, il pesait sur lui une obligation renforcée de se renseigner sur la situation de la société qu’il acquérait.
La juridiction d’appel ajoute qu’en l’absence de toute démarche du cessionnaire pour se renseigner sur la situation financière de la société, le silence du cédant sur l’existence de dettes et de contrats liant cette société à des tiers ne constitue pas une dissimulation volontaire de la situation financière de la société pouvant caractériser un dol.
Pourvoi est formé par le cessionnaire, qui argue du fait que la réticence volontaire d’une partie portant sur une information qu’elle savait déterminante pour son cocontractant constitue un dol et rend toujours excusable l’erreur provoquée.
La Cour de cassation sanctionne le raisonnement des juges du fond, et rappelle qu’en application des articles 1137 et 1139 du Code civil, constitue en effet un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des cocontractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie, et que l’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable.
Aussi, la chambre commerciale considère qu’en ayant retenu le cessionnaire aurait dû se renseigner, avant la cession, sur la situation financière de la société, motifs impropres à exclure l’existence d’une réticence dolosive, laquelle rend toujours excusable l’erreur provoquée, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
La Haute juridiction confirme ainsi le principe selon lequel le dol rend toujours excusable l’erreur provoquée, indépendamment de la qualité de celui qui en est victime et de ses compétences et connaissance. Même aguerri, le cessionnaire qui par le passé a été emmené à gérer des sociétés, bénéficie de l’obligation d’information qui pèse sur le cédant concernant le passif de la société objet de la cession.
Référence de l’arrêt : Cass. com du 18 septembre 2024, n°23-10.183
Quelle fiscalité pour un apport partiel d'actif ?
L’apport partiel d’actif (APA) est une opération courante dans le cadre de la réorganisation d’une entreprise, qui prend la forme d’un transfert d’une partie du patrimoine d’une société (l’apporteuse) vers une autre entité (la bénéficiaire) en échange de titres.
Cette opération s’inscrit régulièrement dans une stratégie de fusion, de scission ou de création de filiales spécialisées, tout en étant visée par une fiscalité particulière.
Régime de droit commun ou régime de faveur ?
La société apporteuse est imposable sur les plus-values réalisées, mais une particularité concernant cette opération tient au fait qu’il est possible de bénéficier d’un régime fiscal de faveur.
Ce régime de faveur est applicable de plein droit à l’apport partiel d’actif dès lors que les conditions suivantes sont réunies :
- L’apport partiel porte sur une branche complète d’activité[1];
- La société apporteuse est rémunérée par titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire de l’apport ;
- La société bénéficiaire dépend du régime de l’impôt sur les sociétés.
À défaut de respecter les conditions précédentes, le régime de faveur pourra toujours être accordé, après délivrance d’un agrément administratif. Dans cette hypothèse, la société devra cette fois-ci justifier :
- D’un motif économique valable : lorsque les éléments apportés permettre d’exercer l’activité de manière autonome, quand bien même ils ne constituent pas une branche complète, ou si ces éléments permettent une amélioration économique ou une simplification des structures du groupe ;
- Que la société apporteuse s’engage à conserver les titres pendant trois ans ;
- Que l’apport partiel d’actif n’est pas réalisé dans un but de fraude ou d’évasion fiscale;
- Que les modalités de l'opération permettent d'assurer l’imposition future des plus-values dégagées lors de l’opération d’apport.
Conséquences fiscales selon le régime ?
Lorsque l’apport partiel d’actif est soumis au droit commun, la société apporteuse est tenue de déclarer les plus-values générées par l'apport, ainsi que les provisions devenues caduques à la suite de cette opération. Quant aux droits d'enregistrement, c'est la société bénéficiaire qui doit s'acquitter des droits afférents aux apports reçus.
Si l’opération bénéficie du régime de faveur, concernant l'impôt sur les bénéfices, la société apporteuse est exonérée d'imposition sur les plus-values d'apport ainsi que sur les provisions devenues sans objet à la suite de l'apport. Pour la société bénéficiaire, la fiscalité dépend des valeurs retenues pour l'enregistrement des apports en comptabilité, qu'il s'agisse de valeurs comptables ou réelles. En matière de droits d'enregistrement, les apports partiels d’actifs s’enregistrent gratuitement.
[1] Une branche complète d'activité se définit comme l'ensemble des éléments d'actif et de passif d'une division d'une société qui constituent, du point de vue de l'organisation, une exploitation autonome, c'est-à-dire un ensemble capable de fonctionner par ses propres moyens (BOS-IS-FUS-20-20).
Précisions sur la clause statutaire de renonciation à la revendication de la qualité d’associé
La détention de parts par des associés mariés sous un régime de communauté suscite de nombreuses questions, dont l’essentiel des réponses sont apportées à la fois par l’article 1832-2 du Code civil, et une jurisprudence stable en la matière.
Ainsi l’époux qui souhaite acquérir des parts sociales non négociables dans une société à l’aide de biens communs, doit en informer son conjoint, lequel bénéficie alors de la qualité d'associé, pour la moitié des parts souscrites ou acquises, s’il notifie à la société son intention d'être personnellement associé.
Lorsque cette notification a lieu lors de l'apport ou de l'acquisition, l'acceptation ou l'agrément des associés vaut pour les deux époux, mais si elle est postérieure, les clauses d'agrément prévues à cet effet par les statuts sont opposables au conjoint, et lors de la délibération sur l'agrément, l'époux associé ne participe pas au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Récemment interrogée sur l’irrévocabilité de la renonciation à la qualité d’associé par le conjoint commun en bien lors de l’apport fait à la société, l’occasion a été donnée à la Cour de cassation d’effectuer quelques rappels.
Les faits ayant conduit au pourvoi résultent de la création par un père et son fils, d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC), dont une clause des statuts précisait que l’épouse, commune en biens, avait été avertie de l’intention de son époux de faire apport de bien de communauté, et qu’elle consentait à cet apport, tout en reconnaissant ne pas avoir la qualité d’associée au sein du GAEC.
Finalement, l’épouse avait été agréée en sa demande d’associée à concurrence de la moitié des parts dépendant de la communauté de biens existant entre elle et son époux, par une assemblée générale, décision pour laquelle son époux avait assigné la GAEC en annulation de l’assemblée.
La Cour d’appel saisie des griefs considère, à la lecture des statuts du GAEC, que l’épouse avait renoncé clairement et sans réserve à devenir associée, sans pouvoir revenir ultérieurement sur cette décision. La considérant comme irrévocable, la juridiction du fond annule les résolutions litigieuses, dont une relative à la prorogation du GAEC, ayant pour conséquence sa dissolution.
La GAEC se pourvoi en cassation, où la Haute juridiction annule la décision, reprochant à la juridiction d’appel de ne pas avoir recherché si le père et le fils, associés à la GAEC, n’avaient pas, postérieurement à cette renonciation, manifesté leur consentement unanime à l’entrée de l’épouse commune en biens dans le groupement.
En effet, selon la Cour de cassation, la renonciation par l’époux à sa qualité d’associé lors de l’apport fait à la société de biens communs par son conjoint, ne fait pas obstacle à ce que l’unanimité des associés lui reconnaisse ultérieurement, à sa demande, cette même qualité.
Référence de l’arrêt : Cass.com, du 19 juin 2024, n° 22-15.851
Fusion-absorption et transfert de la responsabilité pénale
À rebours des juridictions européennes, la Cour de cassation considérait originellement que la réalisation d’une opération de fusion-absorption emportait la disparition de la société absorbée et mettait donc un terme aux poursuites pénales engagées à son encontre.
Elle a opéré un important revirement de jurisprudence le 25 novembre 2020 en admettant, pour la première fois, que la responsabilité pénale d’une société absorbée pouvait se transmettre à la société absorbante (Cass. crim, 25 nov. 2020, pourvoi n° 18-86.955). Si le revirement de jurisprudence était notable, l’arrêt était, néanmoins, essentiellement circonscrit aux sociétés anonymes (SA).
L’arrêt en présence est donc remarquable par son apport puisque, s’inscrivant dans la logique de ce revirement de jurisprudence, il en étend la portée à toutes les formes sociales.
Le tribunal correctionnel a condamné trois sociétés, ainsi que leur gérant, pour avoir commis diverses infractions au droit de l’urbanisme en lien avec l’exploitation d’un camping. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de la décision.
Avant que le procès en appel ait lieu, l’une des sociétés condamnées a fait l’objet d’une fusion-absorption. La société absorbante est alors condamnée en appel pour les infractions commises par la société à responsabilité limitée (SARL) absorbée.
La société absorbante s’est alors pourvue en cassation faisant grief aux juges du fond de l’avoir déclarée coupable d’installations réalisées en dehors des emplacements autorisés et de l’avoir condamnée à payer une amende de 30 000 € en lieu et place de la société absorbée. Or, la société en cause ne revêtait pas la forme d’une SA et la preuve d’une fraude à la loi n’était pas rapportée.
Saisie d’un pourvoi en cassation, la Cour régulatrice rappelle qu’en principe, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait, en vertu de l'article 121-1 du Code pénal.
Elle précise cependant qu’il résulte des articles L. 236-3 du Code de commerce et L. 1224-1 du Code du travail, que la fusion-absorption qui emporte la dissolution de la SARL absorbée n’entraîne pas sa liquidation. En effet, le patrimoine, les contrats de travail en cours ainsi que les droits des associés étant transmis à la société absorbante, il s’en déduit que l’activité économique exercée par la société absorbée, constituant la réalisation de son objet social, se poursuit au bénéfice de la société absorbante.
La continuité économique et fonctionnelle de la personne morale implique de ne pas distinguer la société absorbante de la société absorbée, de sorte que la première puisse être pénalement condamnée pour une infraction commise par la seconde avant la réalisation de l’opération de fusion-absorption.
L’arrêt d’appel ayant constaté, d'une part, la réalisation d’une opération d’une fusion-absorption causant la dissolution de la société mise en cause, et d'autre part, la caractérisation des faits à l'origine des poursuites pénales, pouvait déclarer la société absorbante coupable de l’infraction et la condamner à une peine d’amende ou de confiscation, sans encourir la censure.
Référence de l’arrêt : Cass. crim, 22 mai 2024, n° 23-83.180.
Fusion-absorption et transmission automatique des créances hypothécaires
La transmission d’une créance hypothécaire exige la réalisation préalable de formalités prévues par la loi n°76-519 du 15 juin 1976 relative à certaines formes de transmission des créances et l'article 1690 du Code civil. Or, la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a récemment rappelé que ces formalités n’étaient pas requises lorsque la créance était transmise à l’occasion d’une opération de fusion-absorption.
À la genèse du litige, un établissement bancaire a consenti à une société civile un prêt garanti par une affectation hypothécaire. Par la suite, la société prêteuse a fait l’objet d’une fusion-absorption.
Douze ans plus tard, la société absorbante a mis en demeure la société débitrice de lui régler le solde du prêt, à peine de déchéance du terme, avant de l’assigner devant un juge de l’exécution aux fins de voir ordonner la vente forcée des biens objet de l’hypothèque garantissant le prêt.
Devant les juges, la société débitrice conteste que par l’effet de la seule transmission universelle du patrimoine consécutive à l’absorption, la société absorbante soit titulaire de la créance à son égard, mais également du titre exécutoire constitué par la copie exécutoire à ordre créée au profit de la société absorbée.
Saisie du pourvoi formé par la société débitrice, la Cour de cassation énonce, en application de l’article L. 236-3 du Code de commerce, que la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires dans l’état où il se trouve à la date de la réalisation définitive de l’opération.
Aussi, par l’effet de cette transmission, la Haute juridiction confirme la possibilité, pour la société absorbante, de se substituer à l’absorbée dans tous ses droits, biens et obligations, et devient donc titulaire des créances et des droits qui leur sont attachés.
Par ailleurs, les juges statuant dans le tribunal du Quai de l’horloge ont, après avoir relevé que la saisie immobilière a été diligentée sur le fondement d’une copie exécutoire à ordre, confirmé le raisonnement tenu par la cour d’appel selon lequel, par l’effet de la transmission universelle du patrimoine, les formalités requises par la loi du 15 juin 1976 en matière de transmission de créance hypothécaire ne sont pas applicables.
La réalisation de la fusion-absorption emporte automatiquement la transmission de la créance sans avoir besoin de justifier du respect des exigences de droit commun prévues tant à l'article 1690 précité, que par la loi du 15 juin 1976. Dès lors, la Haute juridiction confirme que la société absorbante était titulaire d’un titre exécutoire et rejette le pourvoi formé par la demanderesse en cassation.
Référence de l’arrêt : Cass. com du 13 mars 2024, n° 21-20.417.
Décès d'un associé de SARL et conséquences du refus d'agrément de l'héritier
Les statuts régissent les rapports entre les associés, mais également les rapports à l’égard des tiers. Ils peuvent être personnalisés en fonction des besoins de la société et des souhaits de ses associés, notamment en incluant une clause d’agrément pour tous les nouveaux associés, même lorsque les parts sociales ont été reçues par succession
Une telle clause permet aux associés existants de contrôler toute entrée au sein de leur capital puisque chaque nouvel associé devra être approuvé par les associés en place. Néanmoins, les conséquences d’un refus d’agrément ne sont pas négligeables, ainsi que l’ont rappelé les hauts magistrats de la Cour régulatrice.
Une SARL était détenue par trois associés dont l’un est décédé, laissant deux filles pour lui succéder. En application d’une clause statutaire d’agrément, l’assemblée générale extraordinaire de la société a refusé d’agréer les héritières comme associées au titre des parts héritées de leur père.
Désigné par le président du tribunal de commerce sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil, un expert a déterminé la valeur des droits sociaux hérités à hauteur de 5 905 200 €. Malgré cette estimation, les associés survivants n’ont pas acquis ou fait acquérir les parts dans le délai prévu par l’article L. 223-14 du Code de commerce, les héritières les ont donc assignés en rachat forcé de leurs droits.
Par un protocole transactionnel, les héritières reconnaissaient avoir été agréées en qualité d’associées de la SARL et s’engageaient à renoncer à toute action ou toute contestation relative à cette qualité en contrepartie du respect de certains engagements par les associés, en particulier le rachat de leurs parts sociales.
Cette dernière obligation n’ayant pas été exécutée, les héritières soutenaient être titulaires, à l’égard de la SARL et des associés survivants, d’une créance au titre du rachat de leurs parts sociales. Elles ont donc saisi un juge de l’exécution qui les a autorisées, par trois ordonnances, à pratiquer des saisies conservatoires de droits d’associés et de valeurs mobilières au préjudice de la SARL et des deux associés.
Contestées, les trois ordonnances font l’objet d’une rétractation par les juges du fond qui ordonnent également la mainlevée de l’ensemble des saisies conservatoires pratiquées à l’encontre de la SARL et de ses associés.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation affirme qu’il résulte de la combinaison des articles L. 223-13 et L. 223-14, alinéa 3, du Code de commerce ainsi que de l'article 1843-4 du Code civil, que l'héritier d'un associé décédé, dont la demande d’agrément en qualité d’associé au titre des parts transmises a été rejetée, peut, à tout moment, renoncer à cette demande et exiger le remboursement de la valeur de ses droits, même après la fixation du prix par l’expert.
Les associés survivants qui ont refusé d'agréer l’héritier comme associé et qui ont sollicité la désignation judiciaire d'un expert aux fins de déterminer la valeur de ses parts sociales sont, à l'issue du délai légal, tenus d'acquérir ou de faire acquérir ces parts au prix fixé par l'expert lorsque l'héritier a renoncé à sa demande d'agrément.
Référence de l’arrêt : Cass. com. du 24 janvier 2024, n° 21-25.416.
La méthode d'évaluation du complément de prix est fonction de la commune intention des parties
Une convention de cession de titres comprend généralement une clause permettant de réévaluer le prix en fonction de la valeur réelle des droits cédés. Cette valeur est souvent révélée ultérieurement à la cession selon l’arrêté des comptes annuels. La méthode de calcul utilisée pour déterminer le prix, opposant les intérêts contraires des parties, est souvent au centre des litiges.
À ce titre, la chambre commerciale retient une solution pragmatique aux termes de laquelle l’expert peut retenir plusieurs évaluations lorsque les termes de la convention sont ambigus, laissant le soin au juge de choisir celle qui correspond à la commune intention des parties.
Au cas d’espèce, les associés qui détenaient les parts sociales de trois sociétés ont cédé l’intégralité de ces droits sociaux à deux sociétés cessionnaires.
L’acte de cession comportait un prix de base ainsi qu’un ajustement de prix calculé selon l’arrêté des comptes, correspondant au montant de la variation des capitaux propres de chacune des sociétés cédées. En cas de désaccord sur le prix, l’acte précisait également qu’un expert serait désigné, à défaut d’accord, par le président du tribunal de commerce, conformément à l’article 1843-4 du Code civil.
Postérieurement à l’arrêté des comptes, les cédants ont notifié une demande de complément de prix aux cessionnaires. En l’absence d’accord, un expert a été désigné et les cédants ont assigné les cessionnaires en paiement d’un complément de prix.
Les cédants ont obtenu gain de cause devant les juges du fond, lesquels ont condamné les cessionnaires à payer une certaine somme au titre de l’ajustement du prix de cession. Les cessionnaires se sont alors pourvus en cassation, reprochant à la cour d’appel d’avoir retenu l’évaluation des titres qui n’était pas préconisée par l’expert et d’avoir dénaturé les conventions conclues entre les parties.
La Cour de cassation énonce qu’il résulte des dispositions de l’article 1843-4, II, du Code civil, que s’il incombe à l’expert d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par toute convention liant les parties, le juge est tenu d’interpréter, s’il y a lieu, la commune intention des parties à la convention.
Aussi, elle considère que l’expert est autorisé à formuler différentes hypothèses d’évaluation, correspondant chacune aux interprétations respectivement revendiquées par les différentes parties, afin d’éviter que le cours de ses opérations ne soit retardé.
En présence de plusieurs évaluations, il revient alors au juge, après avoir recherché la commune intention des parties, d’appliquer l’évaluation correspondante, laquelle s’impose à lui comme aux parties.
La Haute juridiction confirme ainsi le raisonnement de la cour d’appel qui, après avoir souverainement constaté que la commune intention des parties avait été de conserver les principes appliqués de façon constante lors de la comptabilisation des produits constatés d'avance par ces sociétés pour calculer la variation du prix de cession, en a exactement déduit que les cessionnaires devaient être condamnés à payer aux cédants le complément de prix fixé par l’expert en application de la méthode comptable correspondante.
Elle relève à cet égard que l’expert n’a pas exprimé de préférence concernant les méthodes d’évaluation, mais il a seulement indiqué la méthode comptable qu’il aurait préconisée lors de l’établissement des comptes annuels par les sociétés cédées.
Référence de l’arrêt : Cass. com. du 17 janvier 2024, n° 22-15.897.