La question des cessions à prix minoré est régulièrement débattue en jurisprudence. Une telle cession peut être requalifiée par l’administration fiscale en libéralité constituant un acte anormal de gestion. Cette requalification emporte la réintégration de l’insuffisance constaté au sein du résultat de la société cédante, outre l’application d’intérêts de retard et d’une majoration de 40 % pour manquements délibérés ou de 80 % pour manœuvres frauduleuses.
À cet effet, l’administration doit établir l’existence d’un écart significatif entre le prix de cession et la valeur vénale des biens ou droits vendus ainsi qu’une intention libérale. Or, la cession d’un élément d’actif à un prix inférieur à sa valeur réelle laisse présumer d’une intention libérale. En outre, l’écart d’au moins 20 % était considéré comme significatif, en l’absence de justification de l’entreprise sur son intérêt, ou sa nécessité, de conclure une telle cession ou l’obtention d’une contrepartie. Cependant, le Conseil d’État a profité d’un récent contentieux pour rappeler que l’écart significatif s’apprécie au cas par cas.
Le litige prend sa genèse dans la cession des titres d’une société non cotée à une autre filiale du même groupe, avant que la société cédante fasse l’objet d’un contrôle.
L’administration a considéré que la cession a été réalisée à un prix minoré et estimé que l’écart existant entre le prix de cession déterminé par les parties et le prix rectifié par le vérificateur constituait une libéralité devant être réintégrée dans les résultats de la société vérifiée.
Cette estimation résultait d’une méthode d’évaluation dite patrimoniale ou mathématique, sur la base de laquelle l’administration relevait l’existence d’un écart de 14,1 % entre le prix de cession et la valeur réelle reconstituée.
S’ensuivit un long contentieux au cours duquel le Conseil d’État a annulé la décision des juges du fond, lesquels validaient la méthode d’évaluation mathématique, écartaient les facteurs de décote dont se prévalait la requérante, tout en considérant que l’écart de 14,1 % était insuffisant compte tenu de l’aléa inhérent à l’évaluation de titres non cotés en bourse.
Sur renvoi, la Cour administrative d’appel a confirmé, à nouveau, l’opportunité de la méthode de reconstitution en jugeant que l’écart obtenu ne présentait pas un caractère significatif en l’absence de circonstances particulières.
Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État censure à nouveau l’analyse des juges du fond avant de décider de juger l’affaire au fond.
Se fondant sur les faits d’espèce, le Conseil d’État valide l’utilisation de la méthode patrimoniale et rejette toutes les décotes sollicitées par la requérante. Il considère que l’écart obtenu doit être regardé comme significatif en raison de la situation particulière de la société dont l’activité avait cessé et qui détenait un actif principalement composé de trésorerie.
La société ne justifiant pas la minoration du prix de cession, le Conseil d’État considère que l’administration apporte la preuve du caractère anormal de celui-ci et l’existence d’une libéralité.
Il ressort de cette décision qu’un seuil ne saurait être retenu pour dégager un principe d’écart de prix significatif et caractériser de manière automatique un acte anormal de gestion, celui-ci devant s’apprécier eu égard aux circonstances de l’espèce.
Référence de l’arrêt : CE du 7 avril 2023, n° 466247.