Plan de restructuration : le refus des minoritaires peut être abusif

Lors des assemblées générales d’une société, le vote des associés est libre dans la limite de l’abus de droit. En effet, le vote d’un associé, même minoritaire, qui conduit à bloquer une opération dans le seul but de favoriser son intérêt au détriment de celui de la société commet un abus de minorité.

C’est donc logiquement que la Cour de cassation a reconnu comme abusif le refus des associés minoritaires, de voter des mesures permettant l’exécution d’un plan de restructuration indispensables au redressement de la société, dans leur intérêt exclusif.

Les faits ayant conduit au pourvoi ont débuté par le placement en redressement judiciaire d’une société ainsi que l’arrêt, par le tribunal, d’un plan de redressement en vertu duquel la société a tenu une assemblée générale comportant plusieurs résolutions.

Or, les associés minoritaires ont refusé toutes les résolutions portant sur la mise en œuvre de mesures de restructuration financière visant à réduire le capital social à zéro avant de l’augmenter, en supprimant le droit préférentiel de souscription, par l’émission d’actions ordinaires au profit de l’associé majoritaire.

La société a assigné les associés minoritaires en référé afin de voir notamment juger que l’opposition de ces derniers aux résolutions permettant la bonne exécution du plan de redressement constituait un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser car il exposait la société à un dommage imminent. La demanderesse sollicitait également la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de voter à la place des actionnaires minoritaires, lors des prochaines assemblées, en faveur de l’intérêt social.

Les prétentions de la société sont accueillies par la cour d’appel qui a relevé que si la restructuration financière n’était pas expressément reprise dans le dispositif de jugement ayant arrêté le plan, ce jugement faisait état de la restructuration du capital telle que proposée dans le projet de plan

En outre, elle retenait que le refus des actionnaires minoritaires de voter pour la mise en œuvre des mesures de restructuration s’inscrivait dans un contexte conflictuel opposant le dirigeant de la société à l’un des associés minoritaires, lequel soutenait une offre de cession des actifs sans pour autant présenter un plan de redressement alternatif à celui adopté par le tribunal.

Elle en a conclu que l’opposition des actionnaires minoritaires tendait à une récupération de leurs actifs, dans leur intérêt exclusif, et non au redressement de la société, ce qui constituait un trouble illicite exposant la société à un dommage imminent.

Saisie du pourvoi formé par les actionnaires minoritaires, la Cour de cassation confirme le raisonnement de la Cour d’appel en ce qu’elle a déduit des circonstances précitées que les actionnaires minoritaires ont commis un abus dans l’usage de leur droit de vote, en faisant obstacle à la mise en œuvre de mesures de restructurations financières jugées indispensables au redressement de la société, et par suite, à sa survie, en l’exposant à un risque de liquidation judiciaire contraire à l’intérêt social.

Référence de l’arrêt : Cass. com. du 22 novembre 2023, n° 22-16.362.


Retrait d'une société à capital variable et droit au remboursement des droits sociaux

Le fonctionnement des sociétés civiles suppose que chaque associé dispose en principe du droit personnel de se retirer de la société, et dans le cadre d’une société à capital variable, l’associé qui se retire bénéficie du droit au remboursement de ses parts, par accord amiable, sinon par désignation d’un expert par les parties ou par jugement.

La détermination de la valeur des parts d’associés exclus d’une société par un expert désigné, est justement au cœur d’un débat qui a cristallisé l’attention de la Cour de cassation le 8 novembre dernier, l’emmenant à articuler dispositions générales en matière de remboursement de la valeur des parts sociales, et dispositions spéciales, propres aux sociétés à capital variable.

Dans l’affaire présentée devant la chambre commerciale, plusieurs associés d’une société civile avaient été exclus par décision d’assemblées générales, et avaient obtenu la désignation en justice d’un expert aux fins de fixation de la valeur de leurs droits sociaux, avant d’assigner la société civile en remboursement de leurs parts sur la base de la valeur déterminée par le rapport d’expertise.

Tant en appel que devant la Cour de cassation, la société civile contestait le rapport d’expertise, notamment compte tenu du fait que l’article L 231-1 du Code de commerce, propre aux sociétés à capital variable, constitue une disposition spéciale qui déroge au droit commun des sociétés.

Pour rappel, l’article dispose que :

Il peut être stipulé dans les statuts des sociétés qui n'ont pas la forme de société anonyme ainsi que dans toute société coopérative que le capital social est susceptible d'augmentation par des versements successifs des associés ou l'admission d'associés nouveaux et de diminution par la reprise totale ou partielle des apports effectués.

Les sociétés dont les statuts contiennent la stipulation ci-dessus sont soumises, indépendamment des règles générales qui leur sont propres suivant leur forme spéciale, aux dispositions du présent chapitre.

En application de ce texte, et toujours selon la société civile, il doit par conséquent être dérogé à l’article 1869 du Code civil, de sorte que l’associé sortant a droit, non à la valeur de ses droits sociaux, mais à la reprise de ses apports, ainsi qu’à l’article 1843-4 du Code civil empêchant le tiers évaluateur de disposer de la faculté de déterminer librement les critères d’évaluation, mais devant se limiter à vérifier que la somme versée à l’associé sortant correspond au montant de son apport.

Cette vision n’est pourtant pas partagée par la Cour de cassation qui balaie les arguments et se prononce en faveur de l’application des règles générales.

Pour cela, la Haute juridiction rappelle qu’ « Il résulte du second alinéa de l’article L. 231-1 du code de commerce que les sociétés dont les statuts contiennent la clause de variabilité du capital mentionnée au premier alinéa, demeurent soumises aux règles générales qui leur sont propres suivant leur forme spéciale, règles auxquelles il n’est dérogé que dans les limites des dispositions figurant aux articles L. 231-1 à L. 231-8 de ce code », avant de juger que « l’associé d’une société civile à capital variable qui se retire a, en application de l’article 1869 du code civil, droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux et peut, à défaut d’accord amiable, la faire fixer par un expert désigné en application de l’article 1843-4 de ce code, cette valeur comprenant, sauf cas de perte, l’apport effectué mais ne s’y réduisant pas obligatoirement ».

Solution inédite, où la Cour de cassation opte pour une lecture non limitative de l’article L 231-1 du Code du commerce.

Référence de l’arrêt : Cass. com. du 8 novembre 2023 n°22-11.766


LEXTON conseille FUNECAP dans l'acquisition de la société ETABLISSEMENTS FENOY

LEXTON assiste FUNECAP pour l’acquisition de la société ETABLISSEMENTS FENOY.

Cette société, spécialisée dans le secteur du funéraire, exploite 2 complexes funéraires et 2 agences, situés à Saint-Estève, Sainte-Marie-la-Mer, Saint-Laurent-de-la-Salanque et au Soler, dans les Pyrénées-Orientales (66), sous les enseignes Maison Fenoy et Ets Belzunce-Vega.

Lexton intervient à tous les stades de l’opération, de la Due Diligence juridique à la réalisation de l’opération.


Lexton accompagne FUNECAP dans 6 nouvelles opérations d'acquisition ces quatre derniers mois

Au cours des 4 derniers mois, LEXTON a continué d’accompagner FUNECAP Groupe, 2e acteur du service funéraire en France et le leader en Europe, dans plusieurs opérations de croissance externe réalisées en régions pour un montant global de 12,5 M€.

Lexton intervient à tous les stades des opérations, de la Due Diligence juridique, à la conclusion du deal, en passant par l’accompagnement des négociations et la formalisation des accords.

Juillet 2023 :

Acquisition de la société POMPES FUNEBRES BELY FABRICE qui exploite plusieurs sites dans le département du Tarn-et-Garonne (82).

Août 2023

Acquisition de la société AQUITAINE SERVICES FUNERAIRES qui exploite plusieurs sites dans l’agglomération bordelaise et, plus largement dans le département de la Gironde (33).

Septembre 2023

Acquisition des sociétés MARBRERIE GILLES COLLIN, POMPES FUNEBRES CHARQUEMONT, et MARBRERIE DU VAL DE LOUE qui exploitent plusieurs sites dans le Grand Est (départements de la Côte d’or (21) et du Doubs (25)).

Octobre 2023

Acquisition des sociétés POMPES FUNEBRES HAVRAISES et VOLUBILIS FLEURS qui exploitent plusieurs sites dans la région du Havre et, plus largement en Seine-Maritime (76).


La cession de contrôle d'une société commerciale emporte solidarité des cédants

La cession portant sur le contrôle d’une société implique généralement que le cédant garantisse l’actif et le passif de la société cédée au cessionnaire. Cette garantie permet de protéger le cessionnaire d’une éventuelle augmentation de passif ou d’une diminution de l’actif apparaissant postérieurement à la cession, mais dont l’origine serait antérieure à celle-ci.

En matière commerciale, l’exécution de cette garantie est présumée solidaire entre les cédants. Or, cette présomption de solidarité peut avoir des effets dévastateurs, particulièrement pour un associé minoritaire, ainsi que l’a récemment réaffirmé la Cour de cassation.

Les associés d’une société ont cédé l’intégralité de leurs parts moyennant un prix de 380 000 €, pour lequel le cessionnaire a payé un acompte de 300 000 €.

Une clause du contrat de cession prévoyait que le prix défini sur la base du bilan au 29 février 2016 pouvait faire l’objet d’une variation à la baisse en fonction de la situation comptable intermédiaire de la société arrêtée au 31 décembre 2016.

L’établissement de la situation comptable ayant fait apparaître des capitaux propres négatifs à concurrence de 963 999 €, le cessionnaire a soumis aux cédants un projet de prix définitif à hauteur de 1 €, en sollicitant le remboursement de la somme de 299 999 €.

Le tribunal de première instance et la Cour d’appel font droit à ces prétentions en condamnant solidairement les associés à payer la somme symbolique au cessionnaire, assortie de l’intérêt au taux légal à compter du 9 septembre 2017 jusqu’au parfait paiement.

Des associés minoritaires, ayant cédé chacun une seule action, se sont pourvus en cassation pour contester la solidarité à la dette des associés concernant la restitution du prix des actions.

Ils invoquaient l’impossibilité de présumer la solidarité en l’absence d’une disposition légale ou d’une stipulation contractuelle au sein de l’acte de cession de sorte que la garantie conventionnelle consentie à l’occasion d’une cession de contrôle ne devait pas emporter solidarité passive entre les cédants.

De plus, ils soutenaient que l’absence d’effet sur le contrôle de la société de la cession des parts minoritaires était de nature à écarter toute présomption de solidarité passive des associés minoritaires avec les autres cédants.

Malgré les arguments des demandeurs, la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme le raisonnement des juges du fond. À cet effet, elle rappelle, en premier lieu, que les conventions emportant cession de contrôle d’une société commerciale constituent un acte de commerce, même si elles ne sont pas conclues entre commerçants.

De ce constat, il résulte que l’acte de commerce emporte solidarité des vendeurs dans l’exécution de leurs obligations, notamment l’obligation de restitution résultant de la clause de prix, faute d’insertion d’une clause écartant expressément la solidarité.

En dernier lieu, la Haute juridiction précise que le transfert de contrôle ne s’apprécie qu’au regard du cessionnaire. Aussi, le fait que les associés minoritaires n’aient pas cédé des parts emportant contrôle de la société ne remet pas en cause la solidarité passive entre les associés.

Référence de l’arrêt : Cass. com. du 30 août 2023, n° 22-10.466.


Réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières

Prise sur le fondement de la loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, dite « loi DDADUE », l’ordonnance du 24 mai 2023 portant réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales opère une transposition de la directive 2019/2121 du 27 novembre 2019. Cette réforme offre aux sociétés françaises et européennes un cadre commun et modernisé afin de réaliser leurs opérations de fusions, scissions et apports partiels d’actifs.

L’introduction de nouvelles opérations transfrontalières

L’ordonnance introduit, aux côtés de la procédure de fusion transfrontalière, de nouveaux schémas de restructuration :

  • La scission transfrontalière par laquelle une société peut être scindée en plusieurs sociétés immatriculées dans des États membres différents ;
  • L’apport partiel d’actif (APA) transfrontalier selon lequel une société française peut apporter une partie de son actif à une ou plusieurs sociétés relevant d’un autre État membre de l’Union européenne ;
  • La procédure de transformation transfrontalière permettant à une société de transférer son siège d’un État membre à un autre, tout en conservant sa personnalité juridique.

La procédure commune aux opérations transfrontalières

Au sein de l’espace européen, les fusions, scissions et APA transfrontaliers font désormais l’objet d’une procédure commune débutant par la rédaction d’un projet d’opération, un rapport des dirigeants et une vérification par une expertise indépendante.

La réforme garantit une meilleure protection des parties prenantes des restructurations que sont les salariés, les associés minoritaires et les créanciers en les informant par la publication d’un avis annexé au registre du commerce et des sociétés (RCS) par chaque société participante à l’opération.

Les salariés doivent être représentés au sein des organes de surveillance ou d’administration de l’entreprise et être consultés sur les projets d’opération. Les associés s’opposant à l’opération bénéficient d’un droit de retrait en vertu duquel ils pourront se faire racheter leurs parts ou actions. En outre, les créanciers, dont la créance est antérieure au projet d’opération transfrontalière, disposent désormais d’un délai de trois mois pour solliciter des garanties.

Enfin, les greffiers des tribunaux de commerce se voient confier une mission de contrôle en vertu de laquelle ils doivent s’assurer que la restructuration n’est pas réalisée à des fins abusives, frauduleuses ou criminelles. Pour ce faire, ils pourront s’appuyer sur les autorités fiscales ou sociales.

L’amélioration des procédures de restructurations en droit interne

À l’occasion de la transposition des dispositions relatives aux opérations transfrontalières, l’ordonnance a également mis en cohérence les dispositions nationales applicables aux opérations réalisées entre sociétés françaises. Ainsi, les projets de fusions, de scissions ou d’APA font l’objet d’une publicité accrue puisqu’ils sont, tout comme les projets d’opérations transfrontalières, annexés au RCS afin d’être mis à disposition du public.

Initialement, la société bénéficiaire de biens apportés par un apport partiel d’actif ou une scission était débitrice solidaire des créanciers de la société apporteuse ou scindée. Depuis le 1er juillet 2023, sa responsabilité est limitée à la valeur des actifs nets attribués à la bénéficiaire.

La dispense d’échange de titres en cas de fusion de filiales entre elles est étendue aux fusions de sociétés détenues dans les mêmes proportions par les mêmes associés. Enfin, la réforme introduit le mécanisme de scission partielle, permettant d’attribuer les actions perçues en rémunération de l’apport directement aux associés de la société apporteuse.


AVOCAT COLLABORATEUR (H/F) Droit des affaires - M&A - Corporate

A propos de Lexton Avocats

Ayant une pratique reconnue plus particulièrement dans les opérations de M&A, de Due Diligence et de Private Equity, Lexton Avocats intervient depuis une douzaine d’année, auprès d’une clientèle essentiellement française d’entreprises, d’industriels et de fonds d’investissement.

Vous rejoindrez une équipe de près de 10 personnes (dont 3 associés) située à Paris 16ème.

Description du poste

Vous interviendrez sous la supervision des associés et au contact direct de la clientèle, essentiellement sur des dossiers d’acquisitions, de Due Diligence, de Private Equity ainsi que sur tous les sujets Corporate/Droit des sociétés pour les dossiers suivis par le cabinet.

Vous participerez aux calls, réunions et à toutes les étapes des dossiers. Vous serez directement en contact avec tous les intervenants sur les dossiers pour lesquels vous rédigerez la documentation juridique et corporate.

Vous interviendrez, au sein d’une équipe dynamique et dans une ambiance de travail sereine, motivante et évolutive.

Poste en collaboration libérale à pourvoir dès que possible

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Cession de titres intra-groupe : appréciation de l’écart significatif de prix

La question des cessions à prix minoré est régulièrement débattue en jurisprudence. Une telle cession peut être requalifiée par l’administration fiscale en libéralité constituant un acte anormal de gestion. Cette requalification emporte la réintégration de l’insuffisance constaté au sein du résultat de la société cédante, outre l’application d’intérêts de retard et d’une majoration de 40 % pour manquements délibérés ou de 80 % pour manœuvres frauduleuses.

À cet effet, l’administration doit établir l’existence d’un écart significatif entre le prix de cession et la valeur vénale des biens ou droits vendus ainsi qu’une intention libérale. Or, la cession d’un élément d’actif à un prix inférieur à sa valeur réelle laisse présumer d’une intention libérale. En outre, l’écart d’au moins 20 % était considéré comme significatif, en l’absence de justification de l’entreprise sur son intérêt, ou sa nécessité, de conclure une telle cession ou l’obtention d’une contrepartie. Cependant, le Conseil d’État a profité d’un récent contentieux pour rappeler que l’écart significatif s’apprécie au cas par cas.

Le litige prend sa genèse dans la cession des titres d’une société non cotée à une autre filiale du même groupe, avant que la société cédante fasse l’objet d’un contrôle.

L’administration a considéré que la cession a été réalisée à un prix minoré et estimé que l’écart existant entre le prix de cession déterminé par les parties et le prix rectifié par le vérificateur constituait une libéralité devant être réintégrée dans les résultats de la société vérifiée.

Cette estimation résultait d’une méthode d’évaluation dite patrimoniale ou mathématique, sur la base de laquelle l’administration relevait l’existence d’un écart de 14,1 % entre le prix de cession et la valeur réelle reconstituée.

S’ensuivit un long contentieux au cours duquel le Conseil d’État a annulé la décision des juges du fond, lesquels validaient la méthode d’évaluation mathématique, écartaient les facteurs de décote dont se prévalait la requérante, tout en considérant que l’écart de 14,1 % était insuffisant compte tenu de l’aléa inhérent à l’évaluation de titres non cotés en bourse.

Sur renvoi, la Cour administrative d’appel a confirmé, à nouveau, l’opportunité de la méthode de reconstitution en jugeant que l’écart obtenu ne présentait pas un caractère significatif en l’absence de circonstances particulières.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État censure à nouveau l’analyse des juges du fond avant de décider de juger l’affaire au fond.

Se fondant sur les faits d’espèce, le Conseil d’État valide l’utilisation de la méthode patrimoniale et rejette toutes les décotes sollicitées par la requérante. Il considère que l’écart obtenu doit être regardé comme significatif en raison de la situation particulière de la société dont l’activité avait cessé et qui détenait un actif principalement composé de trésorerie.

La société ne justifiant pas la minoration du prix de cession, le Conseil d’État considère que l’administration apporte la preuve du caractère anormal de celui-ci et l’existence d’une libéralité.

Il ressort de cette décision qu’un seuil ne saurait être retenu pour dégager un principe d’écart de prix significatif et caractériser de manière automatique un acte anormal de gestion, celui-ci devant s’apprécier eu égard aux circonstances de l’espèce.

Référence de l’arrêt : CE du 7 avril 2023, n° 466247.


La garantie d'actif et de passif pour sécuriser une transmission d’entreprise

La transmission d’une entreprise est une opération qui peut s’avérer risquée, puisqu’elle emporte non seulement le transfert des actifs de l’entreprise, mais également de son passif, parfois occulte. Postérieurement à la reprise, un actif qui diminue ou un passif sous-évalué peuvent nuire à la santé économique et financière de la société.

Afin de se prémunir contre ces aléas, l’acquéreur peut bénéficier d’une garantie d’actif et de passif. Cette clause quantifie, anticipe et compense les risques en déterminant les conditions d’indemnisation du repreneur en cas de variation d’actifs ou de passifs en sa défaveur postérieurement à la cession, dont l’origine est antérieure à la cession.

La garantie est composée de :

  • La garantie d’actif qui protège l’acquéreur contre d’éventuelles baisses de valeur des éléments de l’actif, dont l’origine est antérieure à la reprise de la société. Ainsi, il peut s’agir d’une diminution du volume des stocks, ou d’une baisse des créances.
  • La garantie de passif qui préserve le repreneur de potentielles augmentations du passif, dont l’origine est antérieure à la cession. Cette situation peut par exemple résulter d’un litige commercial ou social sous-provisionné.

En pratique, les clauses d’actif et de passif sont rédigées simultanément. Lorsqu’une diminution de l’actif, ou une augmentation du passif, causée par la gestion du cédant, la garantie d’actif et de passif lui impose de verser une indemnisation à l’acquéreur.

La rédaction du champ d’application de la clause est essentielle, car c’est ce qui déterminera les évènements pour lesquels le cédant sera, ou non, responsable des variations de l’actif et du passif de l’entreprise cédée. De plus, la clause prévoit les modalités de déclenchement de la garantie, tant concernant la preuve de la variation, que la notification de l’évènement au cédant.

La garantie d’actif et de passif ne peut être perpétuelle. Elle comporte une date de départ et une durée de validité déterminée entre les parties, en fonction des risques encourus par le repreneur et de leurs délais de prescription.

Afin de déterminer le montant de la garantie, les conseillers du cessionnaire doivent réaliser un audit général de la structure portant sur les aspects juridiques, fiscaux, commerciaux, sociaux et comptables. Cette opération répertorie les éventuels risques de la cession d’entreprise et détermine leur potentiel impact financier. Cela permet d’établir la méthode de calcul de l’indemnité à versé en fonction de la gravité de la variation. C’est sur la base de l’audit et du montant évalué par les conseillers que se fondent les négociations entre le cédant et l’éventuel repreneur.

Cette clause comprend également un montant plafond, un montant plancher ainsi qu’un seuil de déclenchement en deçà duquel la garantie ne peut être sollicitée. Par ailleurs, il est possible de prévoir une franchise à la charge du cessionnaire.

La clause d’actif et de passif peut être garantie par la mise sous séquestre d’une somme d’argent jusqu’à l’expiration de la garantie ou par une caution bancaire.