Une convention de cession de titres comprend généralement une clause permettant de réévaluer le prix en fonction de la valeur réelle des droits cédés. Cette valeur est souvent révélée ultérieurement à la cession selon l’arrêté des comptes annuels. La méthode de calcul utilisée pour déterminer le prix, opposant les intérêts contraires des parties, est souvent au centre des litiges.

À ce titre, la chambre commerciale retient une solution pragmatique aux termes de laquelle l’expert peut retenir plusieurs évaluations lorsque les termes de la convention sont ambigus, laissant le soin au juge de choisir celle qui correspond à la commune intention des parties.

Au cas d’espèce, les associés qui détenaient les parts sociales de trois sociétés ont cédé l’intégralité de ces droits sociaux à deux sociétés cessionnaires.

L’acte de cession comportait un prix de base ainsi qu’un ajustement de prix calculé selon l’arrêté des comptes, correspondant au montant de la variation des capitaux propres de chacune des sociétés cédées. En cas de désaccord sur le prix, l’acte précisait également qu’un expert serait désigné, à défaut d’accord, par le président du tribunal de commerce, conformément à l’article 1843-4 du Code civil.

Postérieurement à l’arrêté des comptes, les cédants ont notifié une demande de complément de prix aux cessionnaires. En l’absence d’accord, un expert a été désigné et les cédants ont assigné les cessionnaires en paiement d’un complément de prix.

Les cédants ont obtenu gain de cause devant les juges du fond, lesquels ont condamné les cessionnaires à payer une certaine somme au titre de l’ajustement du prix de cession. Les cessionnaires se sont alors pourvus en cassation, reprochant à la cour d’appel d’avoir retenu l’évaluation des titres qui n’était pas préconisée par l’expert et d’avoir dénaturé les conventions conclues entre les parties.

La Cour de cassation énonce qu’il résulte des dispositions de l’article 1843-4, II, du Code civil, que s’il incombe à l’expert d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par toute convention liant les parties, le juge est tenu d’interpréter, s’il y a lieu, la commune intention des parties à la convention.

Aussi, elle considère que l’expert est autorisé à formuler différentes hypothèses d’évaluation, correspondant chacune aux interprétations respectivement revendiquées par les différentes parties, afin d’éviter que le cours de ses opérations ne soit retardé.

En présence de plusieurs évaluations, il revient alors au juge, après avoir recherché la commune intention des parties, d’appliquer l’évaluation correspondante, laquelle s’impose à lui comme aux parties.

La Haute juridiction confirme ainsi le raisonnement de la cour d’appel qui, après avoir souverainement constaté que la commune intention des parties avait été de conserver les principes appliqués de façon constante lors de la comptabilisation des produits constatés d’avance par ces sociétés pour calculer la variation du prix de cession, en a exactement déduit que les cessionnaires devaient être condamnés à payer aux cédants le complément de prix fixé par l’expert en application de la méthode comptable correspondante.

Elle relève à cet égard que l’expert n’a pas exprimé de préférence concernant les méthodes d’évaluation, mais il a seulement indiqué la méthode comptable qu’il aurait préconisée lors de l’établissement des comptes annuels par les sociétés cédées.

Référence de l’arrêt : Cass. com. du 17 janvier 2024, n° 22-15.897.