Pèse sur le cédant de parts sociales une obligation d’information envers le cessionnaire, concernant la situation financière de la société cédée. Bien que le cédant ne soit pas directement responsable des dettes de la société après la cession, il doit fournir une information loyale et complète sur la situation financière de la société, notamment sur l’existence de passifs importants. Cette obligation découle du devoir de transparence et de bonne foi, et son non-respect peut engager la responsabilité du cédant pour réticence dolosive, surtout si cette rétention d’information induit le cessionnaire en erreur sur la valeur des parts cédées.
Récemment, la Cour de cassation a réaffirmé ce principe, sans considération de l’expérience du cessionnaire et de sa capacité à se renseigner par ses propres moyens.
Au cas d’espèce, un associé avait cédé à un tiers la totalité des parts composant le capital social d’une société, avant que l’acquéreur ne l’assigne en annulation de la cession, pour réticence dolosive du fait que ce dernier ne l’ait pas informé du passif de la société antérieur à la cession, constitué de dettes, de contrats en cours et d’un prêt bancaire.
Le cessionnaire est débouté de sa demande devant les juges du fond, qui considèrent qu’étant donné que ce dernier prenait le contrôle de la société et compte tenu de son expérience dans la gestion des sociétés pour avoir été antérieurement gérant d’une société, il pesait sur lui une obligation renforcée de se renseigner sur la situation de la société qu’il acquérait.
La juridiction d’appel ajoute qu’en l’absence de toute démarche du cessionnaire pour se renseigner sur la situation financière de la société, le silence du cédant sur l’existence de dettes et de contrats liant cette société à des tiers ne constitue pas une dissimulation volontaire de la situation financière de la société pouvant caractériser un dol.
Pourvoi est formé par le cessionnaire, qui argue du fait que la réticence volontaire d’une partie portant sur une information qu’elle savait déterminante pour son cocontractant constitue un dol et rend toujours excusable l’erreur provoquée.
La Cour de cassation sanctionne le raisonnement des juges du fond, et rappelle qu’en application des articles 1137 et 1139 du Code civil, constitue en effet un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des cocontractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie, et que l’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable.
Aussi, la chambre commerciale considère qu’en ayant retenu le cessionnaire aurait dû se renseigner, avant la cession, sur la situation financière de la société, motifs impropres à exclure l’existence d’une réticence dolosive, laquelle rend toujours excusable l’erreur provoquée, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
La Haute juridiction confirme ainsi le principe selon lequel le dol rend toujours excusable l’erreur provoquée, indépendamment de la qualité de celui qui en est victime et de ses compétences et connaissance. Même aguerri, le cessionnaire qui par le passé a été emmené à gérer des sociétés, bénéficie de l’obligation d’information qui pèse sur le cédant concernant le passif de la société objet de la cession.
Référence de l’arrêt : Cass. com du 18 septembre 2024, n°23-10.183