La durée des pactes d’associés est une question sensible, longtemps débattue, à laquelle la Cour de cassation vient finalement d’apporter une réponse. Aux termes d’un arrêt rendu le 25 janvier 2023, la Haute juridiction affirme que : « La prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’actionnaires pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement. »
À la genèse du litige, les actionnaires d’une société par actions simplifiée (SAS) ont conclu, en 2010, un pacte d’actionnaires pour la durée de la société, soit le temps restant à courir jusqu’à l’expiration des 99 années, à compter de l’immatriculation de la société au RCS.
En 2017, deux actionnaires ont notifié la résolution unilatérale du pacte. Un troisième actionnaire les a alors assignés, en sollicitant qu’il soit jugé que la résolution du pacte avait été mise en œuvre de manière abusive, et qu’elle était tant irrégulière qu’inefficace.
Par décision du 17 octobre 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a déclaré que la résiliation du pacte d’actionnaires était régulière, aux motifs que la durée déterminée du pacte, identique à celle de la société, était d’une durée excessive, assimilable à une durée indéterminée.
En effet, les juges du fonds s’étaient fondés sur les dispositions du pacte pour déterminer que la première période, à l’issue de laquelle les associés pourraient le dénoncer, conduisait les signataires à rester associés jusqu’à un âge particulièrement avancé, entre 79 et 96 ans. La juridiction du second degré considère que cette durée excessive leur confisquait toute réelle possibilité de fin de pacte, de sorte que la prohibition des engagements perpétuels autorisait ces derniers à résilier unilatéralement le pacte.
Au visa des articles 1134, alinéa 1er, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 1838 du Code civil, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Elle considère qu’un pacte d’associés, conclu pour la durée de vie de la société, est un contrat à durée déterminée. Ainsi, la prohibition des engagements perpétuels ne peut donc pas permettre aux associés d’y mettre fin de manière unilatérale, avant la période contractuellement prévue.
Cette décision affirme les conséquences distinctes pour les parties, selon que le pacte soit conclu à durée déterminée, ou indéterminée. Aussi, un contrat conclu pour une durée déterminée échappe à la prohibition des engagements perpétuels, même si sa durée est identique à celle de la société, et ne peut donc pas être unilatéralement résilié par les parties. Au contraire, un contrat conclu pour une durée indéterminée peut être résilié, à tout moment, par la volonté unilatérale d’un associé.
Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère du 25 janvier 2023, n°19-25.478.