Violation d'un droit de préférence sur des titres et mise en place de mesures conservatoires
Lorsqu’une partie s’estime victime d’une violation de son droit de préférence, elle peut solliciter, selon les cas, la nullité de la vente, la substitution au contrat, l’exécution forcée ou des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Cependant, dans l’attente du règlement définitif du litige, il est utile de solliciter, dans un premier temps, des mesures conservatoires afin d’assurer l’efficacité des éventuelles mesures d’exécution qui pourraient être prises. C’est dans ce contexte que l’arrêt du 5 avril 2023 a été rendu concernant l’office du juge des référés saisi d’une demande de mesures conservatoires, afin d’empêcher la violation d’un droit de préférence sur des titres.
Une SELAS s’était affiliée, par contrat daté du 1er septembre 2016, à un réseau animé par une SAS. Le contrat stipulait un droit de préférence, au profit de l’affiliant, en cas de cession des titres de l’affilié. Aussi, une cession de parts de la SELAS, effectuée en violation du droit de préférence, a été annulée par jugement du 19 décembre 2019.
La SELAS et ses associés ont informé la SAS d’un nouveau projet de cession, le 15 mai 2020, avant de se rétracter le 4 décembre 2020, en invoquant la caducité du projet de cession et leur volonté de se prévaloir de leur droit de repentir contractuel.
Le 8 décembre 2020, la SAS a fait signifier à la SELAS sa décision d’exercer son droit de préférence. Invoquant une fraude à l’exercice de ce droit, la SAS a sollicité en référé la mise sous séquestre des titres composant le capital de la défenderesse, du registre des mouvements de titres et des comptes d’actionnaires, ainsi que la désignation d’un administrateur judiciaire afin d’exercer à titre exclusif les droits de vote attachés à ces actions.
Cependant, la Cour d’appel de Besançon a refusé d’ordonner les mesures conservatoires précitées en considérant qu’aucun trouble manifestement illicite n’était établi, afin de justifier lesdites mesures. La demanderesse s’est alors pourvue en cassation, en arguant que les juges du fond ne pouvaient refuser d’accorder des mesures conservatoires, dans le but de conserver un droit de préférence utile, sans caractériser en quoi aucun trouble manifestement illicite n’était établi.
Le 5 avril 2023, la Cour de cassation accueille les prétentions de la demanderesse. En premier lieu, elle rappelle qu’en vertu de l’article 835 du Code de procédure civile le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires, ou de remise en état, qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En outre, la Haute juridiction relève que les juges du fond n’ont pas recherché si la SELAS et ses associés n’avaient pas fautivement exercé leur droit de repentir afin de faire échec au droit de préférence de la SAS, et si cette faute ne pouvait pas constituer un trouble manifestement illicite.
En définitive, lorsque le juge des référés est saisi d’une demande de mesures conservatoires tendant à prévenir la violation d’un droit de préférence sur des titres, il est tenu de déterminer s’il y a effectivement eu une tentative de faire échec à l’exercice dudit droit, et dans l’affirmative, s’il en résulte un trouble manifestement illicite.
Référence de l’arrêt : Cass. com du 5 avril 2023, n°21-25.533.
Quels avantages offrent les BSA ?
Au cours de son exploitation, toute société va avoir besoin de financement afin de développer son activité et de la pérenniser dans le temps. Le financement permettra de recruter du personnel, d’acquérir du matériel ou de trouver de nouveaux partenaires. Afin d’obtenir le financement nécessaire, les sociétés disposent de plusieurs techniques dont l’augmentation du capital. Cette dernière peut se réaliser de plusieurs manières, notamment par l’émission de bons de souscription d’actions (BSA).
Le BSA est une valeur mobilière qui offre l’opportunité à son propriétaire d’acheter, une ou plusieurs actions de la société émettrice, pendant une période déterminée et à un prix fixé à l’avance. Ce bon peut être émis par une société par actions (SA, SAS, SCA), cotées ou non, et attribué à une personne physique ou morale, liée ou non à la société. Afin de déterminer s’il s’agit d’une méthode qui vous profiterait, le cabinet Lexton Avocats vous en liste les bénéfices.
Quel intérêt pour l’entreprise d’émettre des BSA ?
L’avantage premier pour l’entreprise réside dans l’acquisition immédiate de liquidités sans avoir à offrir de contrepartie. Le BSA représentant un coût (entre 15 à 20% du prix de l’action), l’émission en elle-même permet à la société d’obtenir une partie du financement, sans avoir à réaliser d’augmentation du capital, tant que les bons ne sont pas convertis.
Cette opération en deux temps permet à la société de bénéficier d’une augmentation de capital en anticipant ses conséquences. Les actions étant souscrites ultérieurement par les bénéficiaires, l’entreprise a le temps de s’adapter aux éventuelles conséquences telles que la dilution du capital.
La liberté du cadre des BSA permet aussi à la société d’attirer un plus grand nombre d’investisseurs. Les bénéficiaires pouvant être des acteurs internes à la société (salariés, dirigeants), des acteurs externes (partenaires, fournisseurs), ou des tiers sans aucun lien avec elle.
De plus, ce mécanisme permet d’émettre des actions à un prix plus élevé que celui pratiqué lors d’une augmentation de capital classique. En conséquence, la société peut obtenir la somme recherchée avec un nombre réduit d’actions, ce qui renforce progressivement sa structure financière, au fur et à mesure que les bons sont exercés.
Cet instrument implique financièrement les acteurs de l’entreprise en alignant leurs intérêts avec ceux de l’entreprise, ce qui constitue un facteur de motivation essentiel des salariés, mais aussi des partenaires.
Quel intérêt pour le bénéficiaire d’acquérir des BSA ?
L’avantage principal, pour le bénéficiaire, réside dans la prédétermination du prix d’achat de l’action. De fait, le risque au moment de l’investissement en action est considérablement limité. Le bénéficiaire profite d’une option sur une période donnée, c’est un mécanisme flexible, lui permettant de décider, selon sa situation et la valorisation de l’entreprise, de convertir les bons.
Pour les associés existants, ce mécanisme constitue l’opportunité d’éviter la dilution du capital, en étalant les dépenses pour de nouvelles actions.
En outre, le prix de souscription étant fixé au jour de l’émission des BSA, la valorisation de l’entreprise offre la possibilité de profiter d’un effet levier. De fait, si le cours de l’action augmente, ce dispositif permet au bénéficiaire de souscrire à un prix inférieur, de spéculer sur le prix du bon en le cédant, ou de revendre l’action achetée en réalisant une plus-value.
Enfin, de la même manière que pour la société, ce mécanisme implique directement le bénéficiaire dans la valorisation de l’entreprise, c’est une gratification supplémentaire pour les investisseurs liés à l’entreprise, notamment pour les salariés.
La validité du pacte d’associés conclu pour 99 ans
La durée des pactes d’associés est une question sensible, longtemps débattue, à laquelle la Cour de cassation vient finalement d’apporter une réponse. Aux termes d’un arrêt rendu le 25 janvier 2023, la Haute juridiction affirme que : « La prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’actionnaires pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement. »
À la genèse du litige, les actionnaires d’une société par actions simplifiée (SAS) ont conclu, en 2010, un pacte d’actionnaires pour la durée de la société, soit le temps restant à courir jusqu’à l’expiration des 99 années, à compter de l’immatriculation de la société au RCS.
En 2017, deux actionnaires ont notifié la résolution unilatérale du pacte. Un troisième actionnaire les a alors assignés, en sollicitant qu’il soit jugé que la résolution du pacte avait été mise en œuvre de manière abusive, et qu’elle était tant irrégulière qu’inefficace.
Par décision du 17 octobre 2019, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a déclaré que la résiliation du pacte d’actionnaires était régulière, aux motifs que la durée déterminée du pacte, identique à celle de la société, était d’une durée excessive, assimilable à une durée indéterminée.
En effet, les juges du fonds s’étaient fondés sur les dispositions du pacte pour déterminer que la première période, à l’issue de laquelle les associés pourraient le dénoncer, conduisait les signataires à rester associés jusqu’à un âge particulièrement avancé, entre 79 et 96 ans. La juridiction du second degré considère que cette durée excessive leur confisquait toute réelle possibilité de fin de pacte, de sorte que la prohibition des engagements perpétuels autorisait ces derniers à résilier unilatéralement le pacte.
Au visa des articles 1134, alinéa 1er, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 1838 du Code civil, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Elle considère qu’un pacte d’associés, conclu pour la durée de vie de la société, est un contrat à durée déterminée. Ainsi, la prohibition des engagements perpétuels ne peut donc pas permettre aux associés d’y mettre fin de manière unilatérale, avant la période contractuellement prévue.
Cette décision affirme les conséquences distinctes pour les parties, selon que le pacte soit conclu à durée déterminée, ou indéterminée. Aussi, un contrat conclu pour une durée déterminée échappe à la prohibition des engagements perpétuels, même si sa durée est identique à celle de la société, et ne peut donc pas être unilatéralement résilié par les parties. Au contraire, un contrat conclu pour une durée indéterminée peut être résilié, à tout moment, par la volonté unilatérale d’un associé.
Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère du 25 janvier 2023, n°19-25.478.
Les effets de l’indivisibilité du coup d'accordéon
Le coup d’accordéon permet d’assainir une société, avant de la recapitaliser. En pratique, l’opération consiste en une réduction du capital social à zéro, puis son augmentation consécutive afin de reconstituer les fonds propres. Cette technique donne régulièrement lieu à de la jurisprudence, concernant le respect des droits des associés, notamment minoritaires. C’est justement un litige de cet ordre qui a conduit la Chambre commerciale de la Cour de cassation à se prononcer sur la validité d’un coup d’accordéon, le 4 janvier 2023.
En l’espèce, l’assemblée générale extraordinaire d’une société par actions simplifiée (SAS), a décidé, le 30 juin 2015, la réduction du capital social à zéro, ainsi que l’augmentation du capital par création d’actions nouvelles, avec maintien du droit préférentiel de souscription aux actionnaires. À l’issue de cette opération, l’associé majoritaire, ayant souscrit à l’intégralité de l’augmentation du capital, était devenu associé unique de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU).
Un des associés minoritaires de la SAS a saisi, en référé, le président du tribunal de commerce qui, par une ordonnance du 11 septembre 2015, a suspendu les résolutions constatant la modification du capital et des statuts, ainsi que celles constatant la souscription de l’associé à l’intégralité de l’augmentation du capital. Subsistaient uniquement les résolutions relatives à la réduction du capital à zéro et au principe de l’augmentation subséquente.
Un mois après la décision précitée, l’associé de la SASU approuve un apport partiel d’actif, au profit d’une filiale de la société. L’associé évincé sollicite la nullité de l’apport partiel.
La Cour d’appel de Paris déclare irrecevable l’action en nullité de l’apport partiel d’actif, dès lors que le demandeur avait perdu sa qualité d’associé en raison du coup d’accordéon. Les juges du fond ont considéré que l’absence de suspension de la réduction de capital suffisait à la validité du coup d’accordéon, et donc à la perte de sa qualité d’actionnaire. Faute de qualité d’associé, il était privé de qualité à agir, au jour de l’introduction de l’action en nullité. Insatisfait, l’associé minoritaire a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt précité.
Au visa des articles L.210-2 et L.224-2 du Code de commerce, la Cour de cassation énonce que : « la réduction à zéro du capital d’une société par actions n’est licite que si elle est décidée sous la condition suspensive d’une augmentation effective de son capital amenant celui-ci à un montant au moins égal au montant minimum légal ou statutaire ». Ainsi, il importe peu que la résolution autorisant la réduction de capital n’ait pas été suspendue, dès lors que l’augmentation de capital n’était pas effective, la réduction ne pouvait pas produire d’effet.
Par cette décision, la Haute juridiction rappelle que le coup d’accordéon repose sur deux opérations indivisibles1, consistant en une réduction du capital pour apurer les pertes sociales, suivie d’une augmentation de capital par apport de ressources nouvelles. Aussi, si la seconde partie de l’opération est suspendue, la première partie est mécaniquement privée d’effet.
Référence de l’arrêt : Cass. com du 4 janvier 2023, n° 21-10.609.
1.Cass. com. du 17 mai 1994, n° 91-21.364
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Focus sur les clauses de non-concurrence en cas de cession de titres, et la qualité de salarié
Rappel des conditions de validité par l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 21 octobre 2021 et une précision faite par la Cour de Cassation à travers un arrêt du 23 juin 2021

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