Le coup d’accordéon permet d’assainir une société, avant de la recapitaliser. En pratique, l’opération consiste en une réduction du capital social à zéro, puis son augmentation consécutive afin de reconstituer les fonds propres. Cette technique donne régulièrement lieu à de la jurisprudence, concernant le respect des droits des associés, notamment minoritaires. C’est justement un litige de cet ordre qui a conduit la Chambre commerciale de la Cour de cassation à se prononcer sur la validité d’un coup d’accordéon, le 4 janvier 2023.
En l’espèce, l’assemblée générale extraordinaire d’une société par actions simplifiée (SAS), a décidé, le 30 juin 2015, la réduction du capital social à zéro, ainsi que l’augmentation du capital par création d’actions nouvelles, avec maintien du droit préférentiel de souscription aux actionnaires. À l’issue de cette opération, l’associé majoritaire, ayant souscrit à l’intégralité de l’augmentation du capital, était devenu associé unique de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU).
Un des associés minoritaires de la SAS a saisi, en référé, le président du tribunal de commerce qui, par une ordonnance du 11 septembre 2015, a suspendu les résolutions constatant la modification du capital et des statuts, ainsi que celles constatant la souscription de l’associé à l’intégralité de l’augmentation du capital. Subsistaient uniquement les résolutions relatives à la réduction du capital à zéro et au principe de l’augmentation subséquente.
Un mois après la décision précitée, l’associé de la SASU approuve un apport partiel d’actif, au profit d’une filiale de la société. L’associé évincé sollicite la nullité de l’apport partiel.
La Cour d’appel de Paris déclare irrecevable l’action en nullité de l’apport partiel d’actif, dès lors que le demandeur avait perdu sa qualité d’associé en raison du coup d’accordéon. Les juges du fond ont considéré que l’absence de suspension de la réduction de capital suffisait à la validité du coup d’accordéon, et donc à la perte de sa qualité d’actionnaire. Faute de qualité d’associé, il était privé de qualité à agir, au jour de l’introduction de l’action en nullité. Insatisfait, l’associé minoritaire a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt précité.
Au visa des articles L.210-2 et L.224-2 du Code de commerce, la Cour de cassation énonce que : « la réduction à zéro du capital d’une société par actions n’est licite que si elle est décidée sous la condition suspensive d’une augmentation effective de son capital amenant celui-ci à un montant au moins égal au montant minimum légal ou statutaire ». Ainsi, il importe peu que la résolution autorisant la réduction de capital n’ait pas été suspendue, dès lors que l’augmentation de capital n’était pas effective, la réduction ne pouvait pas produire d’effet.
Par cette décision, la Haute juridiction rappelle que le coup d’accordéon repose sur deux opérations indivisibles1, consistant en une réduction du capital pour apurer les pertes sociales, suivie d’une augmentation de capital par apport de ressources nouvelles. Aussi, si la seconde partie de l’opération est suspendue, la première partie est mécaniquement privée d’effet.
Référence de l’arrêt : Cass. com du 4 janvier 2023, n° 21-10.609.
1.Cass. com. du 17 mai 1994, n° 91-21.364